Un lobbyiste de l’agrochimie dirigera l’Ordre des agronomes du Québec

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cgelinas
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25 mars 2024


Un promoteur de l'industrie agrochimique (pesticides, engrais, etc.) va prendre la direction de l'Ordre des agronomes du Québec.

L'arrivée de Benoît Pharand survient à un moment crucial puisque le gouvernement tarde à moderniser la Loi sur les agronomes, vieille de 50 ans, notamment sur les questions d'indépendance des professionnels par rapport aux industriels.

Le conseil d'administration a approuvé jeudi la nomination de Benoît Pharand au poste de directeur général.

Benoît Pharand était jusqu'à jeudi PDG du Réseau végétal Québec, une association d’une cinquantaine d'entreprises, dont Bayer, Corteva, Singenta et Sollio, d'importants fabricants et vendeurs de pesticides au Québec. Il a démissionné le soir de sa nomination alors que son équipe venait d'apprendre la nouvelle par un appel de Radio-Canada.

Réseau végétal Québec est un partenaire de CropLife Canada, le lobby de l'industrie agrochimique au pays. Ces deux organisations ont conclu un protocole d'entente en 2020 afin d'aider le Réseau végétal à devenir une voix importante sur le territoire québécois en ce qui concerne les pesticides sur le plan de la sensibilisation tant des médias que du gouvernement, peut-on lire dans le rapport annuel 2020-2021 de CropLife.

Sur le réseau social LinkedIn, Benoît Pharand a partagé plusieurs publications de CropLife dans les dernières semaines, notamment une qui dénonçait la confusion et [la] désinformation au sujet des résidus de pesticides sur les aliments, un dossier qui a fait grand bruit sur la scène fédérale.

On pouvait lire ceci : Les pesticides sont des outils essentiels que les agriculteurs utilisent pour protéger leurs cultures contre les insectes, les mauvaises herbes et les maladies et pour aider à rendre les cultures plus résistantes aux phénomènes météorologiques violents afin de tirer le meilleur parti de chaque plante.

Radio-Canada a publié plusieurs enquêtes au sujet de l'influence de CropLife sur les politiques du gouvernement canadien au sujet des pesticides. L'an dernier, un scientifique nommé par le gouvernement fédéral pour le conseiller dans ses décisions relatives aux pesticides avait démissionné en critiquant notamment l'influence des lobbys.

Un mandat de lobbyiste au sujet de la Loi sur les agronomes

Benoît Pharand, qui entrera en poste le 15 avril, a aussi un mandat de lobbyiste enregistré jusqu'en novembre 2024 auprès de Lobbyisme Québec dans le but d'influencer le ministère de l'Agriculture et l'Office des professions au sujet de la révision de la Loi sur les agronomes pour garantir « la compétitivité du secteur agricole ».

Parmi les questions au cœur du projet de loi du gouvernement Legault, il y a l'encadrement de l'indépendance des agronomes. Au Québec, la majorité des agronomes qui conseillent les agriculteurs sur leur utilisation des pesticides sont salariés des compagnies qui commercialisent les pesticides.

Il s’est vendu des quantités records de pesticides dans la province depuis plusieurs années et encore récemment. Certains agronomes ont même reçu des incitatifs financiers illégaux pour vendre davantage de ces produits.

Il y a une dizaine d’années, des recherches scientifiques qui démontraient que certains pesticides étaient utilisés sans que ce soit nécessaire avaient fait l'objet de tentatives de camouflage. C'est ce que dénonçait le lanceur d'alerte Louis Robert, ancien fonctionnaire au ministère de l'Agriculture.

En juin 2022, le ministre de l'Agriculture, André Lamontagne, avait déposé le projet de loi 41 pour réformer la Loi sur les agronomes. Il proposait notamment d’interdire à un agronome de faire à la fois de la vente de pesticides et des services-conseils aux agriculteurs.

Cependant, ce projet de loi est mort au feuilleton, car il a été déposé quelques jours avant la fin de la session parlementaire. Il n'a pas été redéposé depuis.

Le lendemain de ce dépôt, le Réseau végétal avait fait partie de représentants de l’industrie qui avaient critiqué le texte. Selon eux, le projet de loi aurait ignor[é] la compétence de centaines de professionnels issus de l’agronomie, qui travaillent quotidiennement au bénéfice des producteurs et de l’agriculture québécoise.

Malgré nos demandes pour parler à Benoît Pharand, la semaine dernière, directement auprès de lui, du Réseau végétal Québec et de l'Ordre des agronomes, il n'était pas disponible pour répondre à nos questions.

Un lobbyiste de l'industrie comme DG d'un ordre dont la mission est de protéger le public, ça n'a pas de sens, ça devrait être un critère disqualifiant, a réagi une source membre de l'Ordre des agronomes qui a demandé à taire son identité, car elle va être amenée à travailler avec M. Pharand.

De son côté, l'agronome Louis Robert n'est pas surpris par cette nomination. Il avait déjà dénoncé, dans son livre, le poids des agronomes du privé au sein de l'Ordre. C'est la décision d'un conseil d'administration miné par les conflits d'intérêts. Pas de surprise là, mais j'aurais cru qu'ils soient plus discrets, qu'ils fassent attention.

L'Ordre des agronomes s'apprête à faire un changement de garde complet puisque la présidente et le vice-président ont récemment annoncé leur départ et seront bientôt remplacés.

Pas d'inquiétude, assure la présidente de l'Ordre

La présidente du conseil d'administration a accepté de nous accorder une entrevue à la place de Benoît Pharand. Elle affirme que M. Pharand s'est retiré du registre des lobbyistes jeudi même si son inscription était toujours visible au moment de publier ce texte.

Martine Giguère explique que le rôle du directeur général est avant tout un rôle de gestion des ressources humaines et des opérations. Le directeur général n'est pas là pour orienter la position de l’Ordre. La position de l’Ordre, elle vient du conseil d’administration, comme le prévoit le Code des professions.

L'ancien directeur général avait tout de même joué un rôle clé aux côtés de la présidente dans le projet de réformer le code de déontologie des agronomes.

Dans le communiqué de presse émis jeudi soir par l'Ordre, on peut lire cette citation de M. Pharand : Je suis heureux de mettre à profit mon expertise au développement de la profession. [...] Je suis fier de prendre part à une organisation qui reflète mes valeurs profondes et qui a pour mission la promotion de l’excellence de la profession ainsi que la protection du public.

Les raisons du retard du projet de loi

Le cabinet du ministre de l'Agriculture n'est pas en mesure de dire quand le projet de loi sera redéposé. En fait, il n'est pas non plus en mesure d'affirmer qu'il sera redéposé.

On est en train d'analyser les modifications au code de déontologie que l'Ordre propose au ministère, explique l'attachée de presse du ministre, Sophie Barma.

De son côté, la présidente de l'Ordre explique que le projet présenté au ministère consiste à modifier et [à] ajouter des dispositions pour mieux encadrer l’apparence de conflits d’intérêts et le conflit d’intérêts.

Martine Giguère espère qu'un projet de loi sera de nouveau déposé, car la vieille loi de 1973 ne reflète plus la pratique agronomique d’aujourd’hui.

L’Ordre a aussi recommandé au gouvernement de mettre fin à la vente libre de pesticides au Québec, sans quoi la protection du public et de l’environnement demeure[ra] un [problème] réel.

En revanche, la présidente n'est pas favorable à l'idée d'interdire à un agronome de vendre des pesticides en même temps qu’il fait du service-conseil. Cet article du projet de loi, ça nous agaçait. Elle pense qu’il faut un professionnel qui a toutes les connaissances scientifiques requises en agronomie pour accompagner le producteur agricole dans l’achat et, donc, dans la vente et le suivi après l'utilisation de ces pesticides.

Martine Giguère nous apprend que le ministère de l'Agriculture a mandaté le Bureau de normalisation du Québec de développer une norme pour les entreprises qui offrent des services-conseils en même temps que la vente pour mieux encadrer et baliser ces deux activités.

Selon l'agronome Louis Robert, le code de déontologie actuel est très bien tel qu'il est, il n'est juste pas appliqué. Par exemple, l'article 28 indique que l’agronome doit éviter toute situation où il serait en conflit d’intérêts et l’article 29 lui impose d’informer son client s’il se trouve en apparence de conflit d’intérêts.



Source: MSN / Radio-Canada



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Claude Gélinas, Éditeur
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