Hausse de taux: « C’est la goutte qui fait déborder le vase »

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cgelinas
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27 janvier 2023


La dernière hausse du taux directeur par la Banque du Canada, aussi petite soit-elle, est celle de trop et pourrait entraîner des dommages collatéraux, selon l’économiste en chef et stratège à la Banque Nationale Stéfane Marion.

Il arrive un moment donné dans le cycle économique où chaque hausse marginale a un effet qui n’est plus linéaire. C’est beaucoup plus sérieux, c’est comme la goutte qui fait déborder le vase», a souligné M. Marion, en entrevue à Radio-Canada.

Ce dernier est très critique face à la décision de la Banque du Canada qui aurait dû appliquer un principe de précaution alors que l’économie mondiale nage en pleine incertitude avec la hausse des taux d’intérêt, les relents de la pandémie et la guerre en Ukraine.

Prendre une pause, c’était une police d’assurance. La hausse supplémentaire, c’est prendre un risque supplémentaire pour le cycle économique, c’est un risque de faire culbuter l’économie, surtout lorsqu’on ne voit pas un pas devant soi à cause du brouillard géopolitique», assure-t-il.

La Banque du Canada a annoncé mercredi une hausse de 0,25 % de son taux directeur, ce qui le porte à 4,5 % et correspond à une huitième augmentation d’affilée.

On a tardé à monter les taux en 2021, et là, on y va tous azimuts, sans considérer le fait que les autres banques centrales ont agi de la même façon», affirme M. Marion.

Au total, ça veut dire que les hausses de taux sont cumulées. Il y a eu plus de 43 augmentations de taux d’intérêt; moi, je n’ai jamais vu cela. On n’a jamais vu autant de banques centrales s’acharner», poursuit l’économiste qui n’hésite pas à les comparer à une meute de loups affamés.

Dans plusieurs ménages, notamment les emprunteurs, l’effet est brutal. Pour une hypothèque de 400 000 $ avec un amortissement sur 25 ans, la hausse mensuelle est tout près de 900 $.

De plus en plus de propriétaires ont d’ailleurs atteint leur taux limite, c’est-à-dire qu’ils ne payent plus du tout de capital sur leur paiement hypothécaire. Plusieurs d’entre eux ont été contactés récemment par leur institution financière pour hausser leurs paiements.

Avec plus d’argent alloué aux emprunts, les ménages risquent de dépenser moins ailleurs, ce qui pourrait provoquer une cascade d’effets et un ralentissement économique ou une récession.

D’autres critiques

Ces inquiétudes rejoignent aussi celles de l’économiste chez Deloitte, Mario Iacobacci, qui craint l’effet de toutes ces hausses sur les ménages.

Le problème dans tout cela, c’est qu’on n’a pas encore vu l’impact des hausses déjà mises en place de presque 400 points. Ce sont les hausses les plus rapides. Elles vont faire très mal aux ménages canadiens, parce qu’ils sont très endettés», constate-t-il.

Lors des derniers mois, de plus en plus de consommateurs ont pigé dans leurs économies afin d’éponger la hausse des taux d’intérêt.

Ça va aller en empirant, car il y aura de plus en plus de ménages qui font face au renouvellement de leur hypothèque. Ça va mener à une baisse de la consommation. C’est sûr que 25 points ne va pas changer la donne. Mais le gros du dommage a déjà été fait», dit-il.

Selon Guillaume Hébert, économiste à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), les politiques de la Banque du Canada ont paradoxalement un effet inverse que celui recherché.

Ce qui a le plus poussé l’IPC [l’indice des prix à la consommation] en 2022, si on exclut le mazout et le gaz naturel, c’est le coût de l'intérêt hypothécaire. On est dans une drôle de situation actuellement où une des choses qui contribuent le plus à l'inflation, ce sont les hausses des taux d'intérêt de la Banque du Canada qui cherche à se battre contre l’inflation», ironise-t-il.

Le chercheur rappelle que la Banque du Canada a une incidence seulement sur la demande, alors que les problèmes majeurs qui expliquent l’inflation sont reliés à l’offre, à la chaîne d’approvisionnement fortement endommagée par la pandémie.

La Banque du Canada n’a pas les outils nécessaires pour agir sur les causes de l’inflation ici ou ailleurs. Il aurait fallu travailler par d’autres moyens que par la politique monétaire», dit-il.

L’inflation en baisse

L’économiste Marion s’interroge aussi sur la stratégie de la Banque du Canada qui a haussé ses perspectives de croissance économique pour justifier sa hausse de taux. C’est un peu bizarre, je ne crois pas qu’on aurait dû procéder comme cela.»

De toute façon, selon lui, la banque centrale envoie le mauvais message aux consommateurs, car l’inflation est déjà en repli. Sur trois mois, en excluant le coût des hypothèques, l’essence et les aliments, l’inflation a plutôt été de 2,4 %. Sur un an, elle a toutefois monté de 6,3 % en décembre passé, en baisse de 0,5 % face à novembre.

Les prix sont en déflation, ils baissent à une cadence de 5 % aux États-Unis présentement, ce qui est du jamais-vu en plus de 60 ans. Et on aura la même situation ici», dit-il.

Les problèmes avec la chaîne d’approvisionnement que l’on avait vus durant la pandémie sont en train de se régler, si bien que l’offre se stabilise et que les entreprises se retrouvent avec un surplus de stocks.

Les entreprises doivent liquider leurs stocks. Moi, je pense qu’il y aura des baisses de prix pour certains biens qui vont faire baisser l’ensemble de l’inflation plus rapidement, au cours des prochains mois», assure-t-il.

Un point de vue partagé par Guillaume Hébert qui constate que l’inflation a été moins importante au cours des derniers mois.

L’affaire que j’aurais aimé entendre, c’est que, depuis six mois, entre juin et décembre 2022, les prix se sont stabilisés. Donc, on aurait clairement dû appliquer les freins», explique-t-il.

Cela dit, la Banque du Canada n’a pas d’échéancier en vue de baisser les taux d'intérêt. Mais, selon M. Marion, cela pourrait survenir plus rapidement que prévu.

L’inflation pourrait atteindre 3 % cet été. Donc, la banque centrale pourrait recalibrer et baisser ses taux pour converger vers l’inflation qui baisse», dit-il.

[Éditeur: ça reste que le mal est fait et les Canadiens en souffrent énormément... pas forcément le 5% de très riches mais tous les autres s'appauvrissent, vite.]



Source: MSN / Radio-Canda



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Claude Gélinas, Éditeur
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