Le ministère de la Santé et des Services sociaux a promis de mystérieuses indemnités de départ à deux dirigeantes d’un lobby antitabac qui n’ont aucun lien d’emploi avec l’État. Une procédure «inhabituelle», selon une experte en gouvernance.
«Conformément aux échanges ayant eu lieu entre nos deux organisations suite à votre demande de subvention, le MSSS s’engage également à couvrir les indemnités de départ de mesdames Flory Doucas et Heidi Rathjen advenant le cas où l’Association des intervenants en dépendance du Québec (AIDQ) déciderait de mettre fin à leur lien d’emploi», indique une lettre émise le 19 décembre 2019 et signée par le directeur national de la Santé publique, Horacio Arruda.
Flory Doucas et Heidi Rathjen sont à la tête de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. Cette coalition milite auprès des gouvernements provincial et fédéral pour qu’ils adoptent et appliquent des mesures pour réduire le tabagisme.
L’organisation n’a aucun lien contractuel avec le gouvernement du Québec.
Flory Doucas et Heidi Rathjen ne sont pas des employées de l’État québécois. Elles maintiennent tout de même des liens étroits avec des fonctionnaires.
Selon Marie-Soleil Tremblay, professeure titulaire l’École nationale d’administration publique, il s’agit d’une procédure «inhabituelle» qui «demande des explications».
Transfert d’organisation
La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac est parrainée par l’AIDQ depuis mai 2019. Il s’agit d’une organisation sans but lucratif. Elle prenait le relais d’une autre organisation, l’Association pour la santé publique du Québec.
«Dans le cadre d’un transfert d’un projet comme la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, qui en 2019 comportait deux employées totalisant plus de 34 années d’ancienneté, il est normal qu’il y ait des enjeux administratifs liés à des indemnités potentielles », a indiqué Sandhia Vadlamudy, directrice générale de l’AIDP (dépendances... 4 employés).
Les indemnités de départ des deux lobbyistes ont été négociées avec le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) lors de la demande de financement annuelle de l’AIDQ auprès du ministère.
L’association a reçu 480 000 $ pour son exercice financier 2019-2020. Les indemnités promises ne font pas partie de cette somme. Horacio Arruda est le sous-ministre associé qui a signé cet engagement.
Peu de réponses
Le MSSS n’a pas répondu à l’ensemble des questions de notre Bureau d’enquête.
«Il n’est pas de notre intention de commenter un cas en particulier», a fait savoir Robert Maranda, porte-parole du ministère.
«Il est commun que la DGSP collabore avec de nombreuses organisations pour la réalisation des projets et initiatives de promotion de la santé.»
Les indemnités n’ont pas été versées, car les dirigeantes sont toujours en poste.
QUÉBEC FINANCE LE LOBBY QUI LUI MET DE LA PRESSION
La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, qui agit à titre de lobby antitabac auprès des gouvernements, est financée par l’Association des intervenants en dépendance du Québec (AIDQ), et ce, grâce à une subvention du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).
Ainsi, en versant 480 000 $ par année à l’AIDQ, le MSSS finance également le lobby antitabac qui talonne le gouvernement du Québec afin qu’il change les lois sur le tabac ainsi que les taxes sur la consommation.
LE MSSS REFUSE D’EXPLIQUER
- Quel accord permet à la Direction de la santé publique de verser une indemnité de départ à des personnes qui ne sont pas employées par l’État? Aucune réponse.
- Quel sera le montant des indemnités de départ de Flory Doucas et Heidi Rathjen? Aucune réponse.
- Dans quel fonds seront puisées les indemnités des deux dirigeantes? Aucune réponse.
- Pour quelle raison le MSSS estime-t-il que les contribuables doivent assumer les indemnités de départ de deux lobbyistes? Aucune réponse.
— Avec la collaboration de Jean-François Gibeault
Source: Journal de Montréal