«Malartic»: à qui profite la mine?

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cgelinas
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27 février 2024


À côté du trou énorme, vertigineux, creusé par la compagnie Osisko à Malartic, les maisons des résidents ne semblent pas plus grosses que des jouets. C’est à l’image du rapport de force qui oppose depuis quelques années des habitants de la ville à la géante minière.

Ce combat de David contre Goliath, le cinéaste Nicolas Paquet en a fait l’objet d’un film, Malartic, présenté en première aux Rendez-vous Québec Cinéma. Nicolas Paquet est d’ailleurs familier de l’endroit. Dans un premier documentaire, La règle d’or, il avait suivi l’incroyable déménagement de 200 maisons de Malartic, destiné à permettre la réactivation de la mine par Osisko à la faveur de nouveaux développements technologiques en matière d’extraction d’or. Aujourd’hui, il rapporte que les rêves induits par ce mégaprojet, dans une ville abandonnée par les précédentes minières, ne se sont pas réalisés comme prévu.
Une ville semi-fantôme ?

« Dès que je suis arrivé là, dans la période de repérage sur la rue Principale, ça m’a frappé. Les locaux étaient abandonnés, la banque avait fermé. Il n’y avait plus de bars. Il y avait beaucoup de pancartes “À louer“ et “À vendre”, raconte le cinéaste en entrevue. Je me demandais pourquoi une ville où, juste à côté, le voisin immédiat, la mine, est multimilliardaire, pourquoi cette ville-là ne brille pas de tous ces éclats ? […] Je ne sentais pas du tout ce boom-là. Je sentais que cette ville-là était comme semi-fantôme. »

Une mine, ou la revitalisation d’une mine, dans une de ces villes laissées-pour-compte au fil des ans et des soubresauts de l’économie, dont la population est passée de 7000 à 3000 habitants, c’est d’abord une excellente nouvelle. « Quand le projet de mine est arrivé, celui d’une deuxième mine, l’économie allait mal à Malartic, et cela a été bien accueilli », dit Nicolas Paquet.

C’est plus tard, révèle la juriste et anthropologue judiciaire Geneviève Brisson, qui a mené une étude d’impact dans la communauté, que le vent a tourné.

Les mauvaises nouvelles sont arrivées avec les sautages qui survenaient en tout temps, y compris la nuit, et qui troublaient la paix sociale des habitants vivant au bord du précipice. Ces sautages viennent aussi parfois avec des éclats de pierre, et avec un nuage de dioxyde d’azote, de couleur orange, toxique, qui flotte impunément dans l’air ambiant.

Des plaintes, il y en a eu. Des centaines, selon une enquête menée par les journalistes Annabelle Blais, qui apparaît dans le film, et Charles Mathieu, du Journal de Montréal, en 2022. « Le pire délinquant environnemental des 10 dernières années au Québec est la mine de Malartic, qui a même commis certaines infractions intentionnellement et camouflé des informations au gouvernement », écrivaient-ils alors.

Les citoyens qui ont formulé ces plaintes, des avocats ont bien tenté de les défendre. Anne-Marie Voisard, autrice du livre La loi du plus fort, raconte comment le gouvernement du Québec a passé un décret modifiant la réglementation, pour Malartic seulement, dans les jours qui ont suivi un jugement reconnaissant le droit des citoyens.

« Deux jours après le jugement, le gouvernement publiait un décret qui non seulement autorisait la mine à doubler sa capacité d’extraction, à doubler le projet, mais qui venait aussi faire éclater le cadre réglementaire. […] Cela lui permettait d’outrepasser outrancièrement les seuils et les limites qui étaient jusque-là en vigueur, qui s’appliquent à toutes les entreprises et qui se retrouvent dans les recommandations de l’[Organisation mondiale de la santé] et de la Commission européenne. Le gouvernement venait d’admettre qu’il perdait le bras de fer contre la minière », dit-elle dans le film.

Dix milliards de dollars

La compagnie Osisko, qui a depuis revendu ses parts du projet, a initialement payé la somme de 50 000 $ pour la mine désaffectée de Malartic. Selon les calculs de Nicolas Paquet, cette mine a depuis rapporté quelque 10 milliards de dollars de revenus, dont il faut évidemment déduire les investissements de départ d’Osisko.

« C’est ça qu’on ne comprend pas, dit une citoyenne du quartier sud rencontrée dans le documentaire. Tant de richesses ! Et comment ça se fait qu’on a encore de la pauvreté à Malartic ? »

En outre, la promesse de bons emplois ancrés dans la ville ne semble pas réalisée, la plupart des employés de la mine vivant à l’extérieur de Malartic. La population a aussi souffert des dissensions sociales entourant le projet, de la stigmatisation de ceux qui osent se plaindre tout haut des inconvénients.

Nicolas Paquet a tenté en vain de rencontrer des représentants de la mairie de Malartic pour son film.

Et on n’a sans doute pas fini d’entendre parler de la compagnie Osisko. Le film se clôt sur l’annonce voulant que la compagnie envisage de reprendre l’exploitation minière à Murdochville, en Gaspésie, municipalité qui investit, depuis la fermeture de sa mine de cuivre, en 2002, dans l’éolien et dans le tourisme. Sur la musique de Richard Desjardins.

Malartic sera présenté aux Rendez-vous Québec Cinéma mercredi, 19 h. Le documentaire sortira en salle en avril 2024.



Source: MSN / Le Devoir



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Claude Gélinas, Éditeur
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