La délicate mission de créer Santé Québec «sans faire de Big Bang»

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cgelinas
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25 décembre 2023


Christian Dubé a promis de «shaker les colonnes du temple», mais «sans faire de Big Bang».

Après avoir passé l’année 2023 à plancher sur sa réforme du réseau de la santé, le ministre va entreprendre une délicate transition en 2024 en jetant les bases de la nouvelle société d’État Santé Québec. Même avec des «tops guns» aux commandes, bien des observateurs prévoient de fortes turbulences.

[Éditeur: on se retrouve devant un "fait accompli", avec le projet de loi 15 maintenant adopté par le pouvoir majoritaire caquiste.]

La «Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace» a été adoptée sous bâillon au petit matin du 9 décembre. Le volumineux projet de loi 15, qui comptait 1080 articles au moment de son dépôt, a terminé son parcours avec plus de 1600 articles à la suite d’un travail d’analyse demeuré inachevé malgré près de 300 heures passées en commission parlementaire.

Si le ministre de la Santé répète à toutes les tribunes que sa réingénierie du réseau va permettre d’améliorer à la fois l’accès aux soins et les conditions de travail des professionnels, il ne faut pas s’attendre à des effets immédiats.

Au moment du vote sur l’adoption du PL-15, le ministre a d’ailleurs tenu à se faire rassurant envers le personnel du réseau en disant vouloir effectuer une transformation «transparente», «avec prudence» et à une vitesse qui leur convient.

«Je pense qu'il faut réaliser à quel point souvent des réformes peuvent être un succès et souvent peuvent être un moins grand succès», a-t-il mentionné en toute lucidité.

Au cœur de la réforme Dubé, on retrouve la création d’une société d’État qui aura le mandat de coordonner les opérations de tout le réseau de la santé québécois. Un modèle qui ressemble à celui adopté par l’Alberta et la Nouvelle-Écosse. Dans les deux cas, la transition ne s’est pas faite sans heurts, peut-on lire dans un rapport de recherche rédigé par la commissaire à la santé et au bien-être (CSBE), Joanne Castonguay.

La commissaire met en garde contre «les limites d’une approche strictement structurelle de transformation de la gouvernance». Les partis d’opposition ont d’ailleurs tout fait pour dépeindre le projet de la Coalition avenir Québec comme «une autre réforme de structure». Une critique aussi entendue de la voix d’acteurs clés du réseau comme la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

«Est-ce que ça va améliorer les choses? Je suis sceptique. Vous me relirez dans quelques années, et je n’ai pas peur d’affirmer ce que je dis, on fera le constat que cette ixième réforme de structure (n’aura pas) apporté d’effets concrets sur le terrain», prédit le président de la FMOQ, le Dr Marc-André Amyot.

D’après les constats de la commissaire Castonguay, «la culture joue un rôle crucial». Elle prévient qu’«un changement de structure (…) peut être limité dans son apport à l’atteinte des résultats si les mentalités portées par les acteurs de ce système» ne sont pas alignées avec les objectifs poursuivis.

Cela explique sans doute pourquoi Christian Dubé met autant d’emphase sur son désir d’instiller «un changement de culture» dans l’espoir que le réseau embrasse sa vision «de résultats». Cette philosophie est bien illustrée par la multiplication des indicateurs de performance implantés par le ministre, incluant son fameux tableau de bord disponible en ligne.

Cependant, cette «adhésion» au changement décrite par la commissaire comme un élément critique de la stratégie de transformation n’est pas gagnée, si l’on en croit la présidente de la Coalition solidarité santé et conseillère à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Lise Goulet.

«Comment voulez-vous qu'on adhère, qu'on mobilise et qu'on collabore quand un, on n’est pas d'accord. Puis, deux, on ne comprend pas. Et, trois, il y a eu un bris de confiance», a-t-elle commenté en entrevue à La Presse Canadienne.

Elle estime que tout au long des travaux, «on n’avait jamais une compréhension globale de ce qui se passait» parce que le ministre apportait constamment de nouveaux amendements qui venaient modifier sa proposition initiale. Elle dénonce un manque de préparation qui s’est traduit par une accumulation «d’erreurs, d’oublis et d’incompréhensions».

Bon nombre de groupes représentant le personnel sur le terrain ont à leur tour reproché au ministre sa précipitation à imposer sa réforme avant la pause des Fêtes. Or si l’on se réfère à l’exemple albertain, Joanne Castonguay écrit que «les débuts de l’Alberta Health Services (ont été) marqués par l’incertitude, l’instabilité, le désengagement et la méfiance» particulièrement à l’extérieur des grands centres où l’on craignait les effets de la centralisation. On aura eu besoin d’une décennie complète pour venir à bout de la résistance initiale.

Là encore, le Parti libéral du Québec, Québec solidaire et le Parti québécois ont interprété la consolidation des opérations au sein d’une grande agence, imaginée par Christian Dubé, comme un projet centralisateur. À l’opposé, le ministre s’est défendu en affirmant plutôt vouloir redonner plus de pouvoir aux établissements locaux par l’entremise de Santé Québec tout en s’assurant d’une standardisation des bonnes pratiques dans toutes les régions.

Une étape à la fois

Au cours des centaines d’heures passées en commission parlementaire, le ministre a été mitraillé de questions sur la marche à suivre et l’échéancier dont il entend se doter pour mener à bien sa refonte du réseau de la santé.

«On vote le projet de loi, on a un comité de transition, on a une première date, qui va être la nomination, pour moi, du président et chef de la direction (de Santé Québec)», a-t-il répondu à une question du député solidaire Guillaume Cliche-Rivard dans le dernier droit de l’étude détaillée du PL-15.

Ces deux premiers gestes devraient être posés rapidement en début d’année 2024. La composition du comité de transition intéresse d’ailleurs particulièrement le personnel administratif qui veut avoir voix au chapitre.

La présidente de l’Association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux (AGESSS), Danielle Girard, veut pouvoir obtenir l’assurance d’une réelle gestion de proximité. On se targue d’avoir des membres ayant une fine connaissance du réseau et misant sur l’expérience de plusieurs réformes passées.

Ce que l’on craint par-dessus tout, à l’instar de la FMOQ, c’est de voir le ministre ou le ministère s’ingérer dans les décisions de Santé Québec. Bien que le rôle confié au ministère soit celui de déterminer les grandes orientations du réseau, le ministre s’est réservé d’importants pouvoirs lui permettant d’intervenir en cas de besoin.

Du côté des Médecins québécois pour le régime public (MQRP), la Dre Camille Vernooy croit que c’est le virage vers la privatisation des soins qui pourrait provoquer une «démotivation» du corps médical. Elle s’attend à ce que ces changements aggravent une situation déjà fragile.

Ces inquiétudes sont partagées par l’Association des spécialistes en médecine interne du Québec (ASMIQ). Le Dr Pierre McCabe s’attend à une stagnation à court terme puisque personne ne voudra prendre d’importantes décisions pendant le jeu de chaise musicale qui fera entrer les fonctionnaires du ministère dans l’organigramme de Santé-Québec. «C’est ce qu’on a vécu lors de la création des CISSS et des CIUSSS», se souvient-il.

Toujours selon l’échéancier avancé par le ministre Dubé, c’est environ six mois après l’entrée en fonction du futur président de Santé Québec que l’on devrait procéder à la fusion des établissements, puis à la fusion des accréditations syndicales sous ce nouvel employeur unique comptant plus de 300 000 travailleurs.

Par la suite, on estime qu’il faudra au moins le reste de l’année 2024 pour négocier la toute première convention collective de Santé Québec.

En attendant, la solution proposée par le ministre pour soulager les hôpitaux qui croulent sous la pression est de demander aux patients de l'être et surtout d'éviter de se rendre dans les urgences, à moins d'un problème urgent.



Source: MSN / La Presse canadienne



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Claude Gélinas, Éditeur
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