L'accès à l'AMM aux personnes souffrant de maladie mentale divise le pays

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cgelinas
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17 décembre 2023


Les intentions du gouvernement fédéral d'étendre l'aide médicale à mourir (AMM) aux personnes souffrant de maladie mentale continuent de diviser malgré une pause d'un an visant à établir des protections adéquates pour les patients et des directives pour le personnel de la santé.


L'espoir est ce qui a permis à Laurel Walker de rester en vie alors que ses pensées suicidaires la submergeaient, et c'est exactement ce qui, selon elle, priverait des personnes qui luttent contre les mêmes ténèbres si le Canada allait de l'avant avec ses plans visant à étendre l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes d'un trouble de santé mentale.

Ceux en faveur de l'élargissement de l'aide médicale à mourir, prévu pour le 17 mars [2024], soutiennent que fournir l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes d'une maladie physique incurable sans accorder le même droit à celles atteintes d'une maladie mentale irrémédiable équivaut à une discrimination fondée sur un handicap. Les opposants rétorquent qu’il n’existe pas suffisamment de preuves pour prédire si une personne se remettra ou non d’une maladie mentale.

Des commentaires récents venant d'Ottawa suggèrent que l'expansion n'est pas une certitude. Le ministre de la Justice, Arif Virani, a déclaré mercredi que le cabinet tiendrait compte des avis d'une commission constituée d'experts médicaux et d'autres parties prenantes avant de décider si le gouvernement allait de l'avant le 17 mars ou s'il marquait une pause.

La plus grande préoccupation de Mme Walker est que les personnes vulnérables languissent sur de longues listes d'attente et ne peuvent pas se permettre de payer pour des soins psychologiques qui ne sont pas couverts par les programmes gouvernementaux.

«Il y a un décalage, et pour cette raison, je pense qu’il est irresponsable d’aller de l’avant avec l’aide médicale à mourir pour la santé mentale», a déclaré Mme Walker.

Mme Walker est une résidante de 44 ans d'Halifax qui a souffert de dépression, d'anxiété et du trouble de stress post-traumatique pendant 20 ans avant d'être hospitalisée. Elle ne souhaite pas que l'aide médicale à mourir (AMM) soit étendue en mars aux personnes dont le seul problème médical est une maladie mentale.

Sa lutte contre la dépression a commencé à l'école secondaire, mais elle a déclaré que les soins dont elle avait besoin n'étaient pas disponibles dans sa province natale, la Nouvelle-Écosse. Il lui a fallu environ 20 ans pour obtenir un traitement dans un établissement privé d’hospitalisation en Ontario.

«J'ai fait une tentative de suicide en 2005. J'ai fini par être internée à l'hôpital. Je n'aurais pas été en mesure de prendre une décision rationnelle, mais j'aurais pu faire une demande d'AMM prochainement», a confié Mme Walker, ajoutant qu'elle n'a eu besoin d'aucun service de santé mentale dans le système public depuis qu'elle a terminé son traitement il y a dix ans.

«Je me souviens de mes moments sombres et c’était sans espoir. Le fait que j’aie envisagé de mettre fin à mes jours et que j’ai essayé, c’est tellement triste pour moi. Les personnes vivant avec un problème de santé mentale, qui envisageraient même l’aide médicale à mourir, souffrent énormément.»

Autoriser l’aide médicale à mourir sans financer adéquatement le traitement des personnes qui risquent de se retrouver à plusieurs reprises dans les salles d’urgence équivaut à dire qu’il n’y a aucun espoir, a-t-elle affirmé.

L'aspect irrémédiable de la maladie mentale

Les Canadiens ont accès à l'aide médicale à mourir depuis 2016 pour les maladies physiques ou les handicaps incurables. Cinq ans plus tard, à la suite d'une décision d'un tribunal du Québec, la loi n'exigeait plus que la mort naturelle d'une personne soit raisonnablement prévisible. Mais les personnes atteintes d’une maladie mentale ne seraient pas admissibles avant mars 2023, ce qui laisserait le temps à un groupe d’experts sur la maladie mentale de formuler des recommandations sur les garanties et les orientations.

Cependant, l'expansion a été suspendue en février pendant un an après que certains psychiatres et groupes nationaux, notamment le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) de Toronto, le plus grand hôpital universitaire psychiatrique du pays, ont exprimé leurs inquiétudes, notamment sur la nécessité d'un meilleur accès aux soins.

Depuis, un programme d’études a été introduit pour guider les évaluateurs et les prestataires de l’AMM.

Un comité parlementaire sur l'AMM, qui devrait soumettre ses recommandations au Sénat et à la Chambre des communes d'ici le 31 janvier, s'est réuni de nouveau en novembre, lorsqu'il a entendu les témoignages d'experts, notamment de psychiatres, souhaitant un arrêt indéfini de l'AMM pour les personnes atteintes d'une maladie mentale. Une crainte répétée était que les médecins et les infirmières praticiennes utilisent leurs valeurs personnelles pour évaluer l’admissibilité, même s’il n’est peut-être pas possible de distinguer une demande d’AMM d’une personne souhaitant un suicide assisté.

Le Centre for Suicide Prevention est d'accord, affirmant qu'il est nécessaire de parvenir à un consensus sur la définition de l'aspect irrémédiable pour tout trouble mental affectant des personnes qui ne sont pas mourantes.

Dans un communiqué envoyé vendredi par courriel, le CAMH s'est dit «heureux que le gouvernement envisage de retarder l'expansion de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème médical sous-jacent est la maladie mentale».

«À l'heure actuelle, le système de santé n'est pas prêt et les prestataires de soins de santé ne disposent pas des ressources dont ils ont besoin pour fournir des services d'AMM de haute qualité, normalisés et équitables», a déclaré le Dr Tarek Rajji, président du comité consultatif médical du CAMH.

Cependant, la Dre Konia Trouton, présidente de l'Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM (ACEPA), avance que le programme de formation sur l’aide médicale à mourir lancé en septembre, comprend une section sur la maladie mentale, aidera les médecins et les infirmières à déterminer si une personne cherche à se suicider.

«Nous pensons que le système de santé est prêt pour mars lorsque nous prévoyons que les restrictions actuelles seront levées», a affirmé dans un courriel la Dre Trouton, vendredi.

«L'ACEPA, en tant qu'organisation représentant les professionnels qui effectuent ce travail, pense que les cliniciens sont prêts», a fait valoir la médecin de famille, qui a été évaluatrice et prestataire de l'AMM en Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario.

Les médecins et les infirmières praticiennes qui découvrent l’AMM bénéficieraient de 27 heures de formation en ligne, ainsi que de 12 heures d’ateliers. Ceux qui ont de l'expérience bénéficient de six heures de formation, avait spécifié la Dre Trouton dans une précédente entrevue.

Le programme forme les cliniciens à faire la différence entre «une préoccupation aiguë de suicide et une demande d'aide à mourir» en prenant en compte des facteurs tels que le type de traitement que la personne a reçu, comment elle s'en est sortie et si elle l'a essayé, avec des médicaments, pour une «durée appropriée», a détaillé la Dre Trouton, ajoutant que cela dépend des particularités de la maladie.

Impliquer un psychiatre dans l'évaluation

Les personnes dont le décès n’est pas raisonnablement prévisible doivent déjà être évaluées par deux médecins ou infirmières praticiennes indépendants. Si ni l’un ni l’autre n’est expert sur l’état de santé du demandeur, celui-ci est tenu de consulter un spécialiste. La même garantie s'appliquera aux personnes souffrant d'une maladie mentale, a indiqué la Dre Trouton.

Le Dr Jitender Sareen, chef du département de psychiatrie à l'Université du Manitoba, a déclaré que lui et plusieurs de ses collègues croient qu'un psychiatre devrait être impliqué dans l'évaluation. Il a souligné que le projet de norme réglementaire du groupe d’experts n’exigeait pas cette mesure.

La Dre Trouton a déclaré que les provinces et les territoires pourraient décider s'ils souhaitent qu'un psychiatre fasse une référence à l'AMM ou soit impliqué dans les soins d'un patient, mais cela reste à voir.

Diverses juridictions affirment qu'elles ne mettront pas tous leurs plans en place tant qu'Ottawa n'aura pas déposé de loi. Le Québec a toutefois interdit l'expansion de l'aide médicale à mourir, soutenant qu'une maladie mentale ne donne pas droit à une aide médicale à mourir.

Quant aux préoccupations concernant le manque de traitement, les candidats seraient informés des options disponibles, a déclaré la Dre Trouton, et ceux qui n'ont pas de médecin de famille seraient mis en contact avec un prestataire de soins primaires.

Le Dr Gary Chaimowitz, ancien président de l'Association des psychiatres du Canada, a déclaré que même si le manque d'accès aux traitements constitue un «problème majeur et très important», il ne croit pas que cela constituerait «une avenue pour obtenir l'aide médicale à mourir» pour ceux qui cherchent à se suicider.

Un sondage réalisé par l'association en 2020 a montré que 41 % des membres qui ont répondu étaient d'accord ou tout à fait d'accord avec le fait que les personnes atteintes d'une maladie mentale devraient être considérées comme admissibles à l'AMM, a indiqué le Dr Chaimowitz. Le sondage a été envoyé à 2056 membres, et 474 d’entre eux ont répondu.

Le Dr Sonu Gaind, chef du département de psychiatrie du Sunnybrook Health Sciences Centre à Toronto, fait partie de ceux qui s'opposent à l'expansion de l'aide médicale à mourir.

Il a déclaré que la Belgique avait des exigences législatives en matière de soins appropriés et qu'il ne devait y avoir «aucune alternative raisonnable» avant qu'une personne soit approuvée pour recevoir l'AMM, mais que le Canada ne disposait pas d'une telle garantie.

Il a souligné que des données provenant d'Europe suggèrent que les femmes atteintes d'une maladie mentale, en particulier celles marginalisées par la «souffrance sociale» due à la pauvreté, au manque de logement et de soutien communautaire, seraient plus à risque si l'aide médicale à mourir était élargie sans de solides garanties législatives.

Le gouvernement fédéral a déclaré en 2021 qu’il permettrait de mieux suivre qui a accès à l’aide médicale à mourir et comment elle est fournie. Mais aucune information de ce type n'a été incluse dans le dernier rapport annuel sur l'AMM, publié en octobre, montrant que 13 241 personnes sont mortes via l'AMM l'année dernière.

Santé Canada a déclaré qu'il travaille avec les provinces et les territoires pour recueillir des données sur ce qui a été discuté et sur les services – comme le suivi psychologique et l'hébergement – qui ont été offerts aux personnes lorsqu'elles ont été évaluées pour l'AMM.

Ces nouvelles données seront incluses dans les futurs rapports annuels, a indiqué l'agence dans un courriel.



Source: MSN / La Presse canadienne



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Claude Gélinas, Éditeur
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