L'Arabie saoudite, joueur important dans l'empire du CH

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26 novembre 2022


Le controversé Fonds public d’investissement saoudien a investi 520 M$ US dans la famille d’entreprises du Canadien.


En pleine pandémie, le controversé Fonds public d’investissement d’Arabie saoudite (PIF), dirigé par le despote Mohammed ben Salmane, a intégré en douce le groupe de propriétaires de la grande famille du Canadien de Montréal.

En avril 2020, le PIF a investi pas moins de 520 M$ US dans l’entreprise américaine Live Nation. Celle-ci détient près de la moitié de la division événementielle du Groupe CH, qui organise plusieurs des plus grands spectacles et festivals du Québec.

Le royaume saoudien, reconnu pour bafouer les droits de la personne, a donc fait son chemin dans un des fleurons de la famille Molson, le Groupe CH, dont les bureaux sont situés au Centre Bell.

Ce rapprochement avec la plus prestigieuse équipe de hockey au monde s’inscrit dans une série d’investissements exorbitants faits récemment par le PIF dans l’industrie des sports et du divertissement, notamment dans le golf et la Formule 1.

Ce secteur est l’un des pôles ciblés depuis cinq ans par l’Arabie saoudite dans son plan «Vision 2030», ayant pour objectif de diversifier son économie et d’être moins dépendant au pétrole.

Horrible réputation

Partout sur la planète, on ne compte plus ceux qui accusent ce fond d’investissement saoudien de laver l’horrible réputation de l’Arabie saoudite avec de l’argent taché de sang. Des groupes de pression ont d’ailleurs appelé au boycottage des entreprises liées au PIF.

Les experts consultés par notre Bureau d’enquête estiment qu’avec ces investissements, l’Arabie saoudite cherche à accroître son pouvoir, en plus de redorer son image. Le Qatar a utilisé une stratégie semblable en organisant la Coupe du monde de soccer et en achetant le club de soccer Paris Saint-Germain.

L’influence de Live Nation est grande au sein du Groupe CH. Et les capitaux saoudiens en font le troisième actionnaire de Live Nation.

Michael Rapino, grand patron de Live Nation Entertainment, et Wayne Zronik, président de Live Nation Canada, siègent aux côtés des frères Geoffrey et Andrew Molson sur les conseils d’administration d’evenko et d’une de ses filiales, L’Équipe Spectra.

«On s’approche d’un contrôle»

«Très clairement, il y a un intérêt saoudien dans l’entreprise [evenko]», affirme le professeur Ivan Tchotourian, professeur à l’Université Laval et codirecteur du Centre d’études en droit économique.

«Avec des représentants sur le conseil d’administration, on s’approche d’un contrôle, car il y a une identité, ajoute-t-il. L’intérêt est présent et on voit une chaîne de détention même si ce sont des investissements indirects.»

Selon l’expert en éthique de l’entreprise et en gouvernance Michel Séguin, «une entreprise [comme le Groupe CH] n’aurait pas intérêt à s’associer avec des partenaires qui ont des principes contraires.»

«En affaire, il y a la théorie du contrat. L’un est garant de ce que l’autre fait, explique le professeur de l’UQAM. Il existe plein de doléances envers le régime saoudien. Ce que je constate comme éthicien, c’est que les droits de l’homme, le respect et l’égalité des sexes sont des sujets plus sensibles.»

Le Groupe CH a décliné nos demandes d’entrevue aux dirigeants Geoff Molson et France Margaret Bélanger, et n’a pas répondu à nos questions.

20 M$ EN SUBVENTIONS DEPUIS DEUX ANS

Le Groupe CH a profité de plus de 20 M$ de fonds publics depuis son alliance avec Live Nation.

C’est le résultat d’une compilation des subventions et des engagements financiers des trois paliers de gouvernement réalisée par notre Bureau d’enquête.

Et cela, même si le gouvernement Legault se disait «préoccupé» qu’une entreprise américaine ait acheté près de la moitié des actions de la québécoise Evenko en décembre 2019, rapportait alors La Presse.

D’AUTRES PERCÉES SAOUDIENNES DANS LE SPORT PROFESSIONNEL

Golf

Le PIF s’est davantage fait connaître cette année en débarquant brutalement sur l’échiquier du golf professionnel masculin. Le nouveau circuit LIV Golf, dirigé par Greg Norman, a offert des primes de plus de 100 M$ pour attirer plusieurs vedettes telles que Phil Mickelson, Bryson DeChambeau, Dustin Johnson et Cameron Smith. LIV Golf a compté cette année cinq épreuves en Amérique du Nord. L’exode a creusé un profond fossé avec le traditionnel circuit de la PGA, qui est appuyé par Tiger Woods et Rory McIlroy. La saison 2022 fut notamment marquée par des poursuites judiciaires.

Soccer

Sport le plus populaire en Arabie saoudite. Le PIF a pris le contrôle du club anglais de Premier League Newcastle United pour 415 M$ à l’automne 2021. Ça s’est conclu malgré la réticence de la ligue et les manifestations des partisans. Mohammed ben Salmane avait même interpellé le premier ministre Boris Johnson pour qu’il se mêle de la transaction. Selon une entente de 145 M$ qui a débuté en janvier, la Supercoupe d’Espagne sera disputée au stade de Riyad jusqu’en 2029. Le PIF deviendrait aussi un commanditaire majeur du Real Madrid en 2023. Le prestigieux maillot serait décoré du logo du mégaprojet Qiddiya. Selon l’entente de 150 M$, les grandes vedettes du club devraient soutenir publiquement ce projet. L’équipe féminine du Real devrait aussi porter le logo Qiddiya, ce qui soulève un tollé puisque le régime autoritaire bafoue les droits et libertés des femmes.

Hockey

En plus de sa participation dans le groupe d’entreprises de la famille Molson, le PIF rôde derrière les propriétaires des Rangers de New York formant Madison Square Garden Sports. Il a des liens d’affaires avec Silver Lake Partners, une firme d’investissement privé qui détient 10 % du groupe. Les équipes de la LNH, comme plusieurs autres ligues professionnelles, dont la NFL, la MLB et la NBA, utilisent aussi la plateforme de vente de billets Ticketmaster, propriété de Live Nation, qui est financée par le PIF.

Basketball, baseball et football

Dans la NBA, l’un des actionnaires des Nets de Brooklyn, Joseph Tsai, est le co-fondateur de la puissante corporation chinoise de commerce électronique Alibaba. Le PIF possède plus de 1 G$ d’intérêts financiers dans Alibaba.Il détient aussi d’importants capitaux dans Walmart, dont la famille Walton-Penner, actionnaire majoritaire de la multinationale, détient les Broncos de Denver, dans la NFL.

Au baseball majeur, le PIF est depuis 2007 un partenaire majeur de Liberty Media, propriétaire des Braves d’Atlanta.

Formule 1

Par l’entremise de leur pétrolière Aramco, les Saoudiens sont devenus l’un de ses six principaux partenaires de la F1. Ils financent aussi les écuries Aston Martin et McLaren. Après avoir annulé le Grand Prix de Russie en réplique à l’invasion de l’Ukraine, les dirigeants de la F1 ont curieusement décidé de conserver au calendrier l’étape de Djeddah, disputée en mars en Arabie saoudite. La deuxième épreuve de l’histoire fut marquée par des attaques de missiles sur les installations pétrolières près du circuit. Les pilotes s’étaient réunis durant quatre heures pour débattre du sort de la course. La BBC avait rapporté que les organisateurs avaient mis de la pression pour que l’épreuve se déroule comme prévu, et mis en péril les visas de sortie du pays si la course devait être annulée.


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Blanchir sa réputation avec des dizaines de milliards

Le régime saoudien investit dans le sport pour améliorer son image et gagner en puissance


L’argent mène le monde. C’est le principe qu’applique l’Arabie saoudite. Trônant sur une fortune inestimable et inépuisable, Mohammed ben Salmane s’en sert pour percer les marchés, développer son territoire et attirer de nombreux acteurs de la société internationale.

Selon plusieurs experts, la stratégie du prince héritier consiste à ouvrir des coffres d’or pour que ses demandes soient difficiles à refuser.

Selon eux, il le fait pour laver sa désastreuse réputation, acheter le silence et surtout accroître son pouvoir.

«Les pays dits émergents comme l’Arabie saoudite prennent de l’ascendant et affichent leurs ambitions, dont ils ont les moyens, afin de se construire un pouvoir d’influence sur la scène internationale, affirme André Richelieu, professeur du département de marketing de l’UQAM.

«Ces pays deviennent des acteurs dans la création et l’organisation d’évènements et l’acquisition d’équipes prestigieuses», ajoute-t-il.

Les rapports d’Amnistie internationale et de Freedom House sont cinglants envers l’État saoudien qui présente l’un des pires bilans pays au monde en matière de droits et libertés.

ACHETER LE SILENCE

Selon Jocelyn Coulon, l’ancien conseiller du ministre des Affaires étrangères de Stéphane Dion de 2015 à 2017, le pays se sert de l’argent dans l’espoir de faire oublier ce bilan.

«L’Arabie saoudite part avec l’idée que plus elle accorde des contrats importants à l’Occident, plus elle y approfondit ses relations et moins l’Occident sera regardant de ce qui se déroule en Arabie saoudite», explique-t-il.

Il dépolore les contrats d’armements et la guerre menée au Yémen.

Le secteur du sport, des loisirs et du divertissement figure parmi les 13 pôles stratégiques du plan «Vision 2030». Il sert, entre autres à faire la promotion du pays.

L’Arabie saoudite est déjà aussi bien intégrée dans le sport nord-américain. Selon les données de Pitchbook, une base de données financières, le Fonds public d’investissement d’Arabie saoudite (PIF) détenait l’équivalent de 3 G$ d’actions minoritaires dans des franchises sportives d’Amérique en 2021.

À l’échelle planétaire, le PIF a injecté 51 G$ dans l’univers des sports en 2021.

Si des athlètes ont refusé le butin saoudien, d’autres ont sauté dans la boîte à bonbons. Plusieurs évènements sportifs proposant d’immenses bourses sont organisés à travers l’Arabie saoudite.

En 2022, le fonds saoudien a surtout dépensé une fortune dans le golf en y investissant plus de 2 G$.

Il serait maintenant prêt à avaler le grand cirque de la Formule 1, indiquent plusieurs reportages médiatiques européens.

Et voilà qu’en marge de la Coupe du monde au Qatar, le bruit court que ben Salmane voudrait accueillir l’évènement chez lui en 2030 en partenariat avec l’Égypte. Le président de la FIFA, Gianni Infantino, a d’ailleurs rencontré le prince héritier à maintes reprises depuis quelques mois.

EN QUÊTE DE POUVOIR

Ces exemples ne s’inscrivent plus uniquement dans la notion du «blanchiment par le sport».

«On peut prudemment avancer qu’un nouvel ordre mondial se dessine via le commerce, la diplomatie et le sport. C’est la stratégie du place branding. Les nations cherchent à se positionner sur la scène internationale pour renforcer leur notoriété et image de marque, notamment grâce aux sports», explique le professeur Richelieu.

Il cite la Coupe du monde de soccer au Qatar.

ÇA S'EN VIENT CHEZ NOUS

Selon le codirecteur du Centre d’études en droit économique de l’Université Laval, Ivan Tchotourian, l’argent du Moyen-Orient coulera à flots, tôt ou tard, en Amérique du Nord.

«Le schéma sportif nord-américain tient encore, mais il sera un jour bousculé. [L’argent du Moyen-Orient] n’était pas présent dans le milieu sportif d’Europe il y a quelques années. Il est maintenant répandu», rappelle l’expert d’origine française.

Selon lui, «il faudrait donc trouver un certain équilibre pour que le financement ne serve pas à faire la promotion d’un pays.»

Dans l’esprit du professeur Sami Aoun, expert en politique appliquée, il ne fait nul doute que le prince saoudien utilise le sport pour accentuer son pouvoir. Une stratégie qui lui permet aussi de bâtir des relations et d’étendre l’empreinte saoudienne. M. Aoun fait aussi remarquer que l’Arabie saoudite investit aussi dans d’autres domaines.

«[Mohammed] ben Salmane joue sur plusieurs tableaux. II finance aussi des lieux islamiques en Europe qui représente un territoire d’expansion de l’islam. Il est soupçonné de promouvoir un agenda islamiste», observe-t-il.


LES CRITIQUES ENVERS L’ARABIE SAOUDITE

  • Guerre civile au Yémen depuis 2014
  • Assassinat du journaliste du Washington Post, Jamal Khashoggi, en 2018 au consulat saoudien d’Istanbul par un commando saoudien de 15 hommes
  • Droits des femmes limités (mariage, divorce, garde d’enfant, héritage, etc.)
  • Droits LGBT+ non reconnus, passible de la peine de mort
  • Droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique réprimés
  • Existences de la peine capitale et d’exécutions de masse
  • Détentions arbitraires avant expulsion, réclusion

LE FONDS PUBLIC D’INVESTISSEMENT D’ARABIE SAOUDITE (PIF) EN BREF

  • 5e fonds souverain en importance au monde
  • Actifs : 620 milliards $ US
  • Objectif 2025 : 1,1 trillion $ US
  • Investissements dans : Lucid, Activision/Blizzard, Electronic Arts, Über, Live Nation, Zoom Video, Meta (Facebook), Disney, Nintendo, Costco, PayPal

BLANCHIMENT PAR LE SPORT (SPORTWASHING) EN BREF

Pratique controversée d’une entreprise ou d’un pays utilisant l’investissement dans les sports pour améliorer sa réputation. (Source : Dictionnaire Collins)

Des exemples dans l’histoire:

  • Jeux olympiques de Berlin en 1936
  • Achat du club PSG par le Fonds souverain qatari (2011)
  • Jeux olympiques de Sotchi en Russie (2014)
  • Grand Prix d’Arabie saoudite en Formule 1
  • Jeux olympiques de Pékin (2022)
  • Coupe du monde de soccer en Russie (2018)
  • Coupe du monde de soccer au Qatar (2022)

LIVE NATION EN BREF

  • Chef de file mondial dans l’industrie du divertissement, promoteur de spectacles et d’évènements, vente de billets
  • Valeur : 20,1 G$
  • Principaux actionnaires : Liberty Media (30,3 %), Vanguard Groupe (6,7 %), PIF (5,7 %)
  • Chef de l’exploitation : Michael Rapino
  • Président du CA : Gregory Maffei (Liberty Media)
  • Billets vendus en 2021 : 282 millions
  • Présences internationales : 45 pays
  • Gestion de plus de 450 artistes
  • Propriétaire de TicketMaster depuis 2010

«SOFT POWER»

  • Capacité d’un État à influencer et orienter ses relations afin de réaliser ses objectifs en utilisant la diplomatie et la persuasion plutôt que la force.


Source: Journal de Montréal



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Des matchs de soccer, des grands prix de Formule 1, des courses automobiles, des tournois de golf et des galas de boxe figurent parmi la vingtaine de grands évènements sportifs présentés à travers l’Arabie saoudite depuis 2018. Mohammed Ben Salmane a dépensé des dizaines de milliards $ pour les attirer dans son pays.
Des matchs de soccer, des grands prix de Formule 1, des courses automobiles, des tournois de golf et des galas de boxe figurent parmi la vingtaine de grands évènements sportifs présentés à travers l’Arabie saoudite depuis 2018. Mohammed Ben Salmane a dépensé des dizaines de milliards $ pour les attirer dans son pays.
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Claude Gélinas, Éditeur
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