Soins aux clients non vaccinés: considérations déontologiques

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cgelinas
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10 février 2022


Compte tenu du contexte difficile dans lequel les soignants sont appelés à travailler, de la saturation de la capacité du réseau de la santé et de la non-disponibilité des ressources pour certains soins, des infirmières et infirmiers ont manifesté de l’inconfort à prodiguer des soins et traitements aux clients non vaccinés contre la COVID-19.

L’actualité récente a d’ailleurs rapporté des exemples de ces situations soulevant des questionnements.1 Les infirmières et infirmiers peuvent alors s’interroger sur la pertinence de moduler leurs interventions auprès de cette clientèle, jusqu’à refuser de leur prodiguer des soins. C’est tout en tenant compte des enjeux exceptionnels découlant du contexte pandémique auxquels les professionnels doivent faire face2 qu’un rappel concernant cet aspect des devoirs et obligations déontologiques est fait. Le refus de soigner dans un contexte de non-disponibilité des équipements de protection individuelle (EPI) a déjà fait l’objet d’un énoncé de position3.

Survol des lois encadrant la dispensation des soins

Au Canada, les principes tels la gratuité et l’universalité guident l’accès aux soins de santé.4 En vertu du partage des compétences fédérales et provinciales, les provinces sont responsables de l’administration des services de santé présents sur leur territoire.5 Plus spécifiquement, au Québec, les législations intègrent ces principes6. Par ailleurs, l’article 5 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux précise que toute personne a le droit de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain et social, avec continuité et de façon personnalisée et sécuritaire. L’article 7 de cette même loi dicte que toute personne dont la vie ou l’intégrité est en danger a le droit de recevoir les soins requis par son état.7

De plus, la Charte québécoise des droits et libertés de la personne reconnaît, entre autres droits fondamentaux, le droit à la vie et à l’intégrité ainsi que le droit à la sauvegarde de sa dignité8. Cette loi impose des obligations, notamment celle de ne pas prendre de décision ayant pour effet d’exclure une personne en lien avec un motif de discrimination. Bien que ni la jurisprudence, ni la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse n’aient adopté de position à ce sujet, une décision de refuser de prodiguer des soins en raison de son statut vaccinal qui aurait pour effet d’exclure un client pourrait être interprétée comme ayant un lien avec un motif de discrimination, soit le handicap, et constituer de la discrimination.9

Devoirs et obligations déontologiques

L’humanité, le respect de la personne, l’excellence des soins et la collaboration professionnelle sont des valeurs de la profession infirmière qui sous-tendent les interventions des infirmières et infirmiers. Rappelons que l’exercice infirmier consiste à évaluer l’état de santé, à déterminer et à assurer la réalisation du plan de soins et de traitements infirmiers, à prodiguer les soins et les traitements infirmiers et médicaux dans le but de maintenir et de rétablir la santé de l’être humain en interaction avec son environnement et de prévenir la maladie ainsi qu’à fournir les soins palliatifs10.

L’infirmière et l’infirmier ont ainsi la responsabilité de la promotion de la vaccination et de fournir au client toutes les informations et les explications nécessaires à sa compréhension.11 Cependant, ils se doivent de prendre en compte les réticences du client et de respecter le choix et les convictions de ce dernier de ne pas se faire vacciner12, la vaccination contre la COVID-19 n’étant pas obligatoire au Québec.

Bien que ce choix du client de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 puisse entraîner un plus grand risque de contracter la maladie et de se faire hospitaliser13 – ce qui peut être confrontant pour les soignants, voire générer une certaine détresse chez ceux-ci –, l’infirmière et l’infirmier doivent subordonner leur intérêt à celui du client et intervenir en dépit des valeurs et convictions contraires de ce dernier14. L’infirmière et l’infirmier peuvent avoir leur opinion et leur vision propres, mais les soins qu’ils prodiguent doivent s’élever au-delà de ces considérations, peu importe leur lieu d’exercice. Ce n’est pas le rôle de l’infirmière et de l’infirmier d’exprimer leur désaccord face aux choix de vie du client en lien avec la vaccination. Il faut aussi garder en tête que de nombreux clients ne sont pas vaccinés en raison de barrières diverses liées, entres autres, à la santé mentale, à la langue, à l’isolement et aux conditions de vie, et non pas uniquement pour des raisons idéologiques ou qui ne reposent pas sur des principes scientifiques reconnus.

Conclusion

Le fait de choisir ses clients en fonction de leur statut vaccinal ou de ne pas intervenir auprès d’un client que l’on sait non vacciné irait à l’encontre des obligations déontologiques. De plus, l’infirmière et l’infirmier qui exercent auprès d’un client non vacciné, mais démontrent une attitude hostile à son égard, lui font savoir « qu’il est responsable de ce qui lui arrive », n’agissent pas avec diligence en ne se rendant pas disponibles pour lui ou publient des informations à ce sujet sur les médias sociaux, agissent de manière tout aussi inappropriée et répréhensible.

Nous vous invitons donc à la prudence dans de tels cas et réitérons notre confiance au fait que vous respectez au quotidien votre code de déontologie.



Références

1. Duchaine, G., et Larouche, V. (2022, 25 janvier). De nouveaux poumons pour des non-vaccinés. La Presse.

2. Collège des médecins du Québec, Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, et Ordre des pharmaciens du Québec. (2022). Priorisation des hospitalisations : avis conjoint.

3. Collège des médecins du Québec, Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec, et Ordre professionnel des inhalothérapeutes du Québec. (2020). Pénurie d’équipements de protection individuelle pendant la pandémie de COVID-19 : entre le devoir professionnel de soigner et celui de se protéger : que choisir (énoncé de position).

4. Loi canadienne sur la santé, LRC (1985), chapitre C-6, art. 7.

5. Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, chapitre 3, art. 92 (7).

6. Entre autres, la Loi sur l’assurance-hospitalisation, RLRQ, chapitre A-28, art. 2.

7. LSSSS, RLRQ, chapitre S-4.2, art. 5 et 7.

8. Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, chapitre C-12, art. 1 et 4.

9. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, consultation auprès de Me Claire Bernard, 21 janvier 2022.

10. Loi sur les infirmières et les infirmiers, RLRQ, chapitre I-8, art. 36.

11. Létourneau, J., et Brisson, M. (2019, 29 mai). Protéger le public par la promotion de la vaccination (chronique déontologique).

12. Code de déontologie des infirmières et infirmiers, RLRQ, chapitre I-8, r. 9, art. 30.

13. Selon les données transmises par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

14. Code de déontologie des infirmières et infirmiers, RLRQ, chapitre I-8, r. 9, art. 20.




Source: OIQ, par Joanne Létourneau, syndique, Myriam Brisson, directrice adjointe - Déontologie et syndique adjointe et France Desroches, syndique adjointe.



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Claude Gélinas, Éditeur
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