L'avenir paradoxal que promet Jeremy Rifkin

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cgelinas
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Voici un article intéressant de Jeremy Rifkin et un commentaire, à la fin qui ajoute à la perspective initiale qui se veut pro-capitaliste (ce qui n'est pas mal, en soi) et qui, selon certains, pourrait être bonifiée par des initiatives simples et véritablement non-coûteuses.

Bonnes lecture...


Jeremy Rifkin

« L'énergie va devenir gratuite, comme l'est déjà l'information »

Le prospectiviste américain explore la probabilité d'une troisième révolution industrielle

Heureux comme un poisson dans l'air ! C'est l'avenir paradoxal que promet Jeremy Rifkin à l'humanité incapable aujourd'hui de s'imaginer sans pétrole et qui pourtant respirera mieux sous un autre régime, estime-t-il. Dans ses derniers ouvrages, le spécialiste des signaux faibles et des tendances longues explore la probabilité d'une troisième révolution industrielle qui verrait l'économie mondiale se désintoxiquer des énergies fossiles et aborder de nouveaux stades de développements grâce au “fuel” des énergies renouvelables rendues partout accessibles à des prix dérisoires par les technologies de l'information. Incroyable, et pas encore vrai, certes, mais plausible.

Car, ce que décrit le prospectiviste américain repose sur une vraie dynamique économique, de la puissance de celles qui ont alimenté les deux précédentes révolutions, celle de la vapeur, puis du moteur à explosion. La sortie du système actuel est contrainte par la hausse inéluctable du prix des énergies fossiles. L'entrée dans le régime suivant s'appuie sur une énergie qui deviendrait presque gratuite, comme l'est devenue la communication, grâce à sa disponibilité sans limite et à l'intelligence Internet qui donne à chacun la possibilité d'en devenir un microproducteur. Derrière, c'est toute l'organisation économique et sociale qui est susceptible de changer.
Tout changement d'ère économique est marqué par l'apparition d'un nouveau régime énergétique. Le nôtre est à l'évidence en quête d'un nouveau souffle. Les responsables politiques et économiques sont face à des dilemmes de plus en plus difficiles à résoudre. L'austérité en Europe par exemple. Elle doit permettre de réduire la dette en proportion du PIB, mais repousse le problème un peu plus loin. Des réformes budgétaires et fiscales sont souhaitables, certainement, mais faire de l'austérité dans le cadre du système économique hérité de la deuxième révolution industrielle dans lequel nous nous trouvons est sans issue.
Il n'y a aucune perspective, dans ces conditions, de vrai retour de la croissance. Au passage, il y a le risque de casser le rêve européen, la qualité de vie, le marché social et l'économie soutenable, auxquels il ne faut surtout pas renoncer. A cause du renchérissement, déjà effectif, et dont la poursuite est inéluctable, des prix des énergies fossiles, le système actuel est en effet sur la pente descendante. Nous disposons d'une petite vingtaine d'années pour basculer dans une troisième révolution industrielle, alimentée par un autre régime énergétique. C'est le temps que l'on peut estimer nécessaire à des géants comme la Chine ou l'Inde pour entrer pleinement dans le jeu, au même niveau que les grands pays développés, et créer des tensions extraordinaires sur les approvisionnements d'énergies fossiles susceptibles de tout faire craquer.

Les symptômes du déclin inéluctable

Juillet 2008 représente une balise historique pour comprendre ce qui est en train de se produire. Le prix du pétrole atteint alors le niveau historique de 147 dollars le baril. Déjà à 70 dollars, touchés dans le courant de 2007, les prix de toute la chaîne des biens et services s'étaient mis à augmenter. La dépendance de l'économie à l'égard des énergies fossiles est presque totale. Dans l'opinion publique, cette dépendance concerne surtout les transports alors que toute la chaîne est concernée : bâtiment, produits pharmaceutiques, chimie, textile, biens d'équipement en tout genre. A 100 dollars le baril, de violentes émeutes de la faim ont éclaté un peu partout autour de la planète. Car les cours du brut fixent aussi le prix des intrants, engrais ou pesticides, de l'agriculture. Pour les 40 % de l'humanité qui survivent avec deux dollars par jour, un changement, même marginal, du prix des produits de base devient une catastrophe.

La crise financière s'est déclenchée deux mois après le point haut atteint par le baril et se présente comme un aboutissement de ce processus. Il n'était plus possible d'entretenir la fiction d'une croissance virtuelle par l'endettement, alors que l'économie réelle était en train de s'effondrer. Nous avons ainsi une idée de ce que représente le point haut du cycle de la civilisation de la deuxième révolution industrielle dont la croissance est condamnée à retomber dès lors que le prix du baril approche de cette barre des 150 dollars. Le pic pétrolier en valeur absolue, à 70 millions de barils de brut produits quotidiennement, a été atteint en 2006, selon l'Agence internationale de l'énergie.

Mais le pic pétrolier par tête remonte à 1979. Il faudrait un investissement estimé à 8 000 milliards de dollars dans les vingt-cinq prochaines années pour pomper le pétrole difficile à extraire et maintenir la production à ces niveaux pour éviter un effondrement de l'économie mondiale. Moins d'énergie disponible pour chaque individu ou à un coût de plus en plus élevé : dès 1979, on avait donc les signaux de l'entrée dans la période de maturité de l'ère des énergies fossiles. Chaque nouvel effort pour retrouver l'élan économique de la décennie passée va s'épuiser aux alentours de 150 dollars le baril. Nous disposons d'une vingtaine d'années pour trouver une transition.

Convergence historique

L'opportunité à exploiter aujourd'hui repose sur l'apparition d'un nouveau phénomène de convergence, comparable à ceux qui ont permis les précédentes révolutions industrielles.

Les grands changements économiques se sont produits à chaque fois que de nouveaux régimes énergétiques ont fusionné avec de nouveaux systèmes de communication et d'information. Exemple : c'est l'introduction de la technologie de la vapeur dans l'imprimerie qui a soutenu la grande accélération du XIXe siècle. Les imprimés dont le coût de production a chuté ont commencé à proliférer et, dans leur sillage, on a assisté à une vague d'alphabétisation de masse.

Cette nouvelle main-d'œuvre éduquée a fourni les forces vives qui allaient se charger d'organiser et de développer cette civilisation du rail et de l'usine alimentée au charbon et propulsée à la vapeur. Nous sommes aujourd'hui à la veille d'une nouvelle convergence entre technologies des communications et régime énergétique. L'Internet a produit de nouveaux emplois mais ce n'est que lorsque la galaxie Internet va fusionner avec les énergies renouvelables qu'une véritable troisième révolution industrielle va se produire.

Des centaines de millions d'individus vont produire leur propre énergie verte, dans leur maison ou leur bureau, et la partager entre eux grâce à des réseaux d'électricité intelligents. Exactement comme se crée et se partage aujourd'hui l'information et la connaissance sur Internet. Derrière, cela débouche sur une réorganisation complète et très prometteuse de nos sociétés vers un modèle entièrement décentralisé fondé sur la coopération entre individus.

Nouveau pouvoir horizontal

L'Internet est un outil de communication très puissant qui offre l'immense attrait d'être atomisé et coopératif. C'est une technologie susceptible de produire à terme des changements profonds dans la conscience collective et le fonctionnement du pouvoir. On est donc en présence d'une rupture majeure. Aussi loin que l'on remonte dans le temps, jusqu'aux civilisations hydrauliques de l'Antiquité dont la puissance reposait sur leur capacité de stockage d'énergie sous forme de silos à grain, le pouvoir a toujours été défini comme centralisé, partant du haut pour aller vers le bas.

Les générations actuelles ne voient déjà plus la réalité de cette manière. Pour eux, qui baignent dans l'Internet depuis leur naissance, habitués aux forces horizontales de l'échange “peer to peer”, le pouvoir centralisé et vertical est une notion déjà dépassée. Ce système se met en place au moment où émerge un régime d'énergie distribuée et décentralisée qui va devoir être organisé de manière collaborative. C'est la nouvelle convergence déjà évoquée entre révolution des communications et révolution énergétique, l'un amplifiant le mouvement de l'autre et vice versa. L'Europe et ses project bonds tient là une stratégie de croissance intéressante.

La leçon des énergies renouvelables

Il est nécessaire, selon nos travaux, de développer simultanément cinq axes pour enclencher cette nouvelle révolution industrielle. D'abord, un objectif volontariste s'impose en matière de développement des énergies vertes. 20 % à l'horizon 2020 ? Cela signifierait que 30 % de l'électricité devraient, à cet horizon, être produits sans émission de carbone, en acceptant dans cet objectif l'énergie verte mais pas forcément propre qu'est le nucléaire, le temps de cette transition. Au passage, ce choix volontariste devrait permettre de faire évoluer les esprits habitués au principe de centralisation. Ce changement est contenu dans la nature même des énergies renouvelables.

A la différence du charbon, du gaz ou du pétrole que l'on ne trouve qu'en des endroits bien précis et qu'il faut souvent aller chercher loin sous terre, au prix de très lourds investissements, les énergies renouvelables sont présentes un peu partout à la surface de la terre, avec seulement des variations de quantité ou d'intensité selon les endroits. Inutile, donc, de reproduire pour les exploiter les unités géantes et centralisées que l'on a mises en œuvre pour les énergies fossiles au prix d'apport en capital massif et de stratégies de planification très longues, y compris sur le plan géopolitique, puisqu'il s'agit parfois de faire transiter sur des milliers de kilomètres et plusieurs pays des gazoducs et des oléoducs. C'est inutile avec les énergies renouvelables.

Pourtant, la tentation première a été d'imaginer des centrales géantes, spécialisées par région, en fonction de la prédominance d'une forme ou d'une autre d'énergie : soleil au sud de l'Europe, hydroélectricité et énergie marémotrice au Nord, vent et énergie géothermique un peu partout. C'est ce qui était le plus facile à concevoir, dans l'intérêt des grands groupes en place et compte tenu de la culture des acteurs économiques et politiques. Il ne faut pas s'y opposer mais être simplement conscient que cela ne suffit pas. Et puis, ce serait un non-sens économique : si ces énergies sont présentes partout, pourquoi faudrait-il se contenter de quelques points de collecte centralisés ? Ce serait un raisonnement du XXe siècle, alimenté par cette notion de pouvoir vertical.

Petits producteurs, grandes quantités

C'est le deuxième axe à suivre : le fait de donner à chaque agent économique la possibilité de devenir lui-même un producteur d'énergie permet de changer d'échelle. L'accumulation des quantités produites par des dizaines de millions de petits producteurs d'énergie finit par former un flux infiniment plus important que celui généré par quelques unités centralisées. On passe dans une autre dimension, où les énergies renouvelables deviennent le nouveau fluide vital de l'économie. L'infrastructure est presque en place : ce sont les centaines de millions de bâtiments de tous types qui couvrent nos pays.

Il faut que chacun d'entre eux soit équipé de moyens de récolter les énergies renouvelables. Avec des sauts technologiques à atteindre, comme cette peinture capable de synthétiser l'énergie solaire. L'idée, donc, est de transformer chaque construction en micro-centrale de production d'énergie verte, avec le vent, le soleil et l'énergie géothermique.Quant aux nouveaux buildings, ils afficheront un bilan énergétique positif grâce aux nouveaux concepts d'architecture et de construction. Ce sont les Français qui ont innové dans ce domaine, et leur apport représente une révolution du même ordre d'importance que le moteur à explosion pour la deuxième révolution industrielle. L'Allemagne a déjà converti en sept ans un million de bâtiments à un type d'énergie locale ou à un autre en sept ans. 370 000 emplois nets ont ainsi été créés.

Stockage et échanges

Dans dix ou quinze ans imaginons que des centaines de millions de bâtiments produisent chacun un peu d'énergie. Pour suivre le mouvement qui ressemble à celui du passage des unités informatiques centrales à l'ordinateur personnel de bureau puis au portable, les industriels vont devoir se comporter comme l'ont fait les acteurs du numérique, en anticipant deux ou trois générations de produits.Les prix ne vont cesser de baisser jusqu'à ce que l'on finisse par distribuer les technologie de production d'énergie, comme on distribue aujourd'hui des téléphones cellulaires. L'énergie sera alors aussi peu coûteuse que l'est aujourd'hui l'information grâce à l'Internet.

A condition que d'autres hypothèques soient levées, à commencer par celle du stockage. Le déploiement de la technologie de l'hydrogène et d'autres techniques de stockage dans chaque immeuble et dans l'ensemble des infrastructures est nécessaire pour pouvoir stocker des énergies intermittentes, ce qui est le cas du soleil et du vent. C'est là qu'intervient la convergence entre la révolution énergétique et celle des communications. Il est important que cette énergie produite partout et en petites quantités puisse être facilement échangée pour répondre en finesse à la demande. C'est la technologie de l'Internet associée au réseau électrique qui va créer cette intelligence. Chacun pourra échanger de l'énergie, en introduire dans le réseau ou en retirer pour sa consommation, aussi facilement que l'on échange aujourd'hui des informations sur un réseau social. Enfin, pendant toute cette transition, il faut avoir développé résolument la flotte de véhicules électriques, branchables ou à pile à combustible, capables d'acheter et de vendre de l'électricité sur un réseau électrique interactif continental intelligent.

Troisième révolution industrielle

Ce que l'on pourrait appeler la troisième révolution industrielle c'est, à terme, le changement complet de la manière de faire des affaires qui s'annonce : le passage du vertical à la relation horizontale dans tous les domaines. L'Internet a démocratisé l'information, avec des coûts de transaction tombés à zéro. Vous pouvez entrer d'un clic en contact avec 2 milliards de personnes. A présent, les technologies de l'information s'apprêtent à démocratiser l'énergie. Le coût de celle-ci va lui aussi tendre vers zéro, comme celui de l'information. Chacun va finir par posséder sa propre petite unité de production d'énergie.

A partir de là, on se dirige vers la démocratisation de la production, du marketing, de la logistique. L'impression 3D capable à l'aide de logiciels de créer des objets en trois dimensions, couche par couche, est l'un des aspects de la nouvelle infrastructure. A terme, c'est la perspective de voir émerger des millions de petits producteurs qui utiliseront un dixième de l'énergie et des matériaux qu'utilisaient les usines pour produire un objet identique. Chacun d'entre eux va entrer en concurrence directe avec les gros producteurs centralisés de l'ancien modèle. Tous les rapports de pouvoir sont susceptibles de s'en trouver modifiés. Des dogmes aussi fortement implantés dans les esprits que la notion de propriété privée vont devoir évoluer.

La propriété privée est un trait fondamental du capitalisme, sur lequel on a bâti des postulats opératoires que l'on présente souvent comme inhérents à la nature humaine. A y bien réfléchir, ce ne sont que des constructions sociales visant à conforter un mode bien particulier d'organisation de l'activité économique. John Locke était convaincu que la propriété est un droit naturel. Pourtant, pendant l'essentiel de l'histoire de l'humanité, notre espèce a mené une vie communautaire de chasseur-cueilleur qui consommait les présents de la nature aussi vite qu'elle se les appropriait. La notion de propriété n'est apparue qu'avec l'agriculture, il y a 12 000 ans, sous la forme de stocks excédentaires de céréales et de têtes de bétail.

A l'époque biosphérique représentée par Internet, les nouveau conflits vont progressivement se concentrer autour des droits d'accès aux réseaux. Ce changement reflète la perte d'importance de la propriété par rapport à l'accès dans un monde connecté et interdépendant. La troisième révolution industrielle est la dernière des grandes révolutions industrielles et elle va poser les bases d'une ère coopérative. Elle va déboucher sur la création pendant quarante ans de centaines de milliers d'emplois d'entreprises nouvelles. Ce sera une nouvelle ère caractérisée par le comportement coopératif, les réseaux sociaux et les petites unités de main-d'œuvre technique et spécialisées. Par opposition, ce sera la fin du modèle appuyé sur la main-d'œuvre de masse et le pouvoir vertical qui a prévalu au cours des deux cents dernières années.”


Bio express

Historien entrepreneur

Jeremy Rifkin, 67 ans, s'est fait connaître en Europe avec son livre La Fin du travail paru aux Etats-Unis en 1995. Il y décrivait l'ère de l'information et ses conséquences prévisibles : l'apparition de nouveaux emplois très qualifiés mais aussi l'émergence d'une sorte de nouveau prolétariat numérique. Entre les deux, seuls l'économie sociale et le secteur associatif pourraient remédier à la disparition de millions d'autres emplois. La thèse alimente les débats jusqu'à aujourd'hui. Ce premier succès a été aussi l'occasion de découvrir la méthode consistant à appuyer chaque ouvrage sur une profonde recherche bibliographique. Il la remet en oeuvre coup sur coup avec deux thèses voisines, Une nouvelle conscience pour un monde en crise et La Troisième Révolution industrielle, épaulé par sa petite entreprise, la Fondation sur les sciences économiques, composée de chercheurs et de documentalistes. Fonctionnant comme un mini think tank, Jeremy Rifkin commercialise ses conseils et analyses auprès de grandes entreprises et de gouvernements.

Par Jacques Secondi


Et le commentaire qui ajoute aux propos de Rifkin...

Delphin dit :
12/07/2012 à 16 h 11 min

Pas une ligne sur la non consommation d Ȏnergie, donc la non production de CO2 et la non pollution.

Ce qui intéresse J Rifkin, en bon capitaliste, c’est produire, produire, produire. Car là où il y a production, il y a profit potentiel.

Il est beaucoup plus rentable, pour le citoyen, d’investir 1 € dans l’isolation de sa maison que dans une pile à hydrogène chauffage +électricité. Beaucoup plus rentable et beaucoup moins prédateur de matières premières et de pollutions pour la planète.

Mais ça ne fait pas progresser les profits des entreprises et de la finance, car l’isolation bien faite (chanvre, ouate de cellulose) est – de plus – à vie, alors qu’une machine de production, il faut l’entretenir, la réparer et bientôt la remplacer car vite rendue obsolète par le système de production infinie.

Delphin
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