Le droit de vote en évolution, même en prison

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cgelinas
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20 septembre 2021


Bien qu’on le tienne pour acquis, le droit de vote a beaucoup évolué au pays au fil des années. Auparavant réservé aux hommes possédant des biens ou propriétés, le droit de vote est maintenant reconnu à tous les citoyens majeurs du Canada, y compris depuis 2004 aux détenus des prisons et pénitenciers du pays.

Les détenus ont été la dernière classe de citoyens canadiens d’âge majeur à s’être fait reconnaitre le droit de vote. « Ce qui est intéressant, c’est le virage qu’on peut observer dans la reconnaissance des droits des uns et des autres, mais aussi dans la reconnaissance des identités des personnes », mentionne André Lacroix, professeur en philosophie et éthique appliquée à la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Sherbrooke.

« On avait restreint le droit de vote aux propriétaires fonciers à l’origine, puis on l’a élargi aux hommes de façon générale avant de le permettre aux femmes. Progressivement, on l’a élargi de plus en plus au point où la question se posait sur la légitimité du droit de vote des personnes et aussi sur leur capacité à voter », poursuit le professeur Lacroix.

L’État reconnait aux prisonniers des droits ainsi qu’un statut juridique de citoyen à part entière, rappelle le professeur en philosophie et éthique appliquée. « Il n’y a donc plus de raison qu’on évacue ou qu’on refuse au prisonnier le droit de vote », ajoute-t-il.

Seul un argumentaire quant à la moralité des prisonniers pourrait contester le droit de vote de ceux-ci. Toutefois, aucune enquête sur la moralité des autres citoyens n’est faite, et pourtant celle-ci pourrait être tout aussi questionnable. La question de la moralité du droit de vote des prisonniers a d’ailleurs étiré les délais à l’époque.

« À partir du moment où on reconnait des droits aux prisonniers et qu’on les réintègre dans la vie civique, il n’y a pas de raison qu’on ne leur reconnaisse pas le droit ultime du citoyen de prendre part au vote nonobstant leurs erreurs du passé pour lesquelles ils sont encore en train de payer », juge André Lacroix sous un angle philosophique et éthique.

Bien que la condition des détenus sur le plan juridique ne soit pas une zone de non-droit, sur le plan social les prisonniers sont souvent perçus comme étant restreints de droits fondamentaux. « Je crois que notre réaction envers les prisonniers est éminemment morale et accompagnée de jugement et de préjugés lorsque le citoyen réfléchit sur leur statut de détenu », se désole M. Lacroix puisque les prisonniers restent des personnes à part entière.

Il y a plusieurs années, le Canada a décidé de miser sur la réinsertion sociale des détenus. Pour André Lacroix, il s’agit d’un facteur d’importance dans la justification du droit de vote des détenus. « On doit travailler à leur réintégration sociale. L’image populaire veut que les prisonniers soient laissés sans rien faire dans les établissements carcéraux. Bien évidemment, il y a beaucoup de désœuvrement, mais l’on se doit de tenter de les faire réfléchir sur leur statut et de les préparer à regagner de façon active la société », poursuit-il.

Les détenus détiennent tous les éléments nécessaires pour voter et comprendre les enjeux à l’extérieur des murs de la prison. « Les personnes qui sont emprisonnées sont coupées de la vie sociale au niveau physique. Ils ne sont pas coupés de la vie sociale au niveau des médias, par exemple. Ils ne sont pas des êtres incultes qui cessent de penser à partir du moment où ils passent le tourniquet. Les détenus sont des gens qui continuent de réfléchir et de s’informer de la même manière qu’ils le faisaient à l’extérieur », précise le professeur de l’Université de Sherbrooke.

« Les personnes incarcérées comme les autres ont le droit de vote. Elles n’ont cependant pas le droit d’être candidates à une élection fédérale », soutient le porte-parole d’Élections Canada. Les Canadiens qui auront au moins 18 ans le jour du scrutin et qui sont incarcérés dans un établissement correctionnel ou un pénitencier fédéral au Canada peuvent voter par bulletin spécial à une élection.

« Lors d’une élection générale ou d’un référendum, les électeurs incarcérés votent dans leur établissement le 12e jour précédant le jour du scrutin », précise Élections Canada. Lors de cette journée, un bureau de scrutin est établi pour recueillir les votes qui seront comptés en même temps, le jour du scrutin, que ceux des Canadiens résidant à l’étranger.

Le lieu de résidence des personnes détenues n’est pas celui de la prison, et ce, pour ne pas surreprésenter une région. En ordre, la résidence du détenu avant son incarcération, celle de son époux ou épouse, le lieu de son arrestation ou le dernier tribunal où il a été déclaré coupable agiront à titre de lieu de résidence pour une personne en établissement carcéral.

Le droit de vote n’est pas de facto autorisé dans les prisons. « L’électeur incarcéré doit remplir une demande d’inscription et de bulletin de vote spécial, qui est disponible auprès de l’agent de liaison après le déclenchement d’un scrutin. L’électeur remet la demande remplie à l’agent de liaison, qui la validera », explique Élections Canada.

De ce fait, les bulletins de vote spéciaux ont déjà été remplis par les détenus dans le cadre de l’élection fédérale actuelle. Les personnes emprisonnées ont pu se prononcer sur l’avenir du Canada et sur qui formera le gouvernement fédéral au lendemain du scrutin.




Source: La Tribune




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Claude Gélinas, Éditeur
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