Retraités et surendettés

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cgelinas
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Au Québec, 15,2 % des dossiers d’insolvabilité sont déposés par des personnes de 65 ans ou plus.

On associe la retraite aux temps libres, aux voyages, à la liberté. Moins au surendettement et au stress qu’il provoque.

Pourtant, un nombre croissant de personnes âgées, incapables de composer avec leurs cartes de crédit pleines ou la moindre baisse de revenus, doivent déclarer faillite.

Les syndics s’en étonnent eux-mêmes. Ils accueillent désormais dans leurs bureaux des personnes âgées, accompagnées de leurs enfants qui ignoraient tout des problèmes financiers de leurs parents.

« J’ai 35 ans d’expérience en insolvabilité. C’est un phénomène qu’on ne voyait jamais avant, ou presque jamais », me raconte Guylaine Houle, du cabinet Pierre Roy & Associés.

Souvent, le chat sort du sac lors d’un changement de situation dans le couple : un décès ou une maladie qui force l’une des deux personnes à aller vivre en résidence. La baisse de revenus ou les coûts additionnels de logement détruisent alors le fragile équilibre financier.

« Ça devient impossible d’arriver. Les enfants vont s’en mêler. Ils découvrent ça et ils manquent de perdre connaissance. La plupart du temps, ils vont proposer à leur parent de faire une faillite ou une proposition de consommateur, selon les revenus disponibles. »

Cela signifie qu’un nouveau mode de vie commence pour ces personnes issues de la classe moyenne. Que de nouvelles habitudes devront être intégrées, ce qui n’est pas évident à 70 ou 75 ans. « C’est tout un choc pour eux, observe Guylaine Houle. C’est fini, le crédit pour l’épicerie ! » Le sentiment d’échec est particulièrement difficile à vivre pour les personnes âgées. L’idée d’avoir travaillé toute une vie pour finir en faillite est humiliante. « L’impact est beaucoup plus émotionnel pour elles. »

Ce n’est jamais une bonne chose d’être surendetté au point d’avoir cinq ou six cartes de crédit utilisées au maximum. Mais lorsqu’on tombe à la retraite et que ses revenus chutent d’un coup, cela prend une tournure parfois dramatique, observe Ronald Gagnon, associé et vice-président principal chez BDO Canada.

Il lui arrive régulièrement de rencontrer des personnes de plus de 65 ans avec 40 000 $ sur leurs cartes de crédit. Les paiements ont toujours fait partie de leur budget. Mais soudainement, « ils frappent un mur ». Les sommes versées par le RRQ, la pension de la Sécurité de la vieillesse et parfois un autre régime de retraite ne suffisent plus à rembourser les dettes. « Le crédit est offert, alors les gens le prennent. Entre quatre et six cartes, c’est un fort pourcentage de notre clientèle », indique le syndic.

L’autre cas « classique », selon Guylaine Houle, est celui du couple qui a tellement utilisé sa marge hypothécaire tout au long de sa vie que la vente de sa résidence, à 65 ou 70 ans, ne lui permet pas de se constituer un coussin assez substantiel pour bien vivre.

* * *

À compter de ce dimanche 1er août 2021, le versement minimal exigé sur les cartes de crédit augmente d’un demi-point de pourcentage pour s’établir à 3 % (plutôt que 2,5 %). Cette règle, imposée par Québec aux émetteurs, doit « prévenir l’endettement ». Le paiement minimal continuera graduellement à augmenter pour atteindre 5 % du solde en 2025. Les cartes émises depuis août 2019 exigent déjà 5 %.

Quel est l’impact concret de cette augmentation d’un demi-point ? Un solde de 3330 $ (solde moyen au Canada, selon TransUnion, au premier trimestre) pendra 18,3 ans à rembourser plutôt que 26,6 ans (carte à 20 % d’intérêts). Tout un écart, quand même ! Et dans quatre ans, lorsque le paiement minimal aura atteint 5 % pour tout le monde, le même solde s’effacera en « seulement » neuf années.

Il y a le temps, et l’argent. La quantité d’intérêts économisés est à l’avenant, comme vous pouvez le voir en utilisant ce calculateur.


En théorie, cette augmentation du paiement minimum doit diminuer l’envie de recourir au crédit puisque les paiements mensuels sont plus élevés. Mais elle risque aussi de provoquer un effet pervers pour les détenteurs de cartes de crédit déjà pleines.

« Le mauvais côté de ça, et on va le voir c’est certain, c’est que les personnes déjà accotées vont voir leurs paiements augmenter, mais n’auront pas la capacité de les faire. C’est un effet pernicieux pour les endettés chroniques. Pour les personnes techniquement insolvables, ça risque d’être la goutte qui fait déborder le vase », analyse Ronald Gagnon.

Forcément, les personnes âgées aux revenus fixes risquent de faire partie du groupe.

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En outre, la pandémie va finir par faire des ravages, croit Ronald Gagnon. Si le nombre de dossiers d’insolvabilité a diminué en 2020, après des années de hausses constantes, ce n’est qu’en raison de son caractère atypique.

Les prêteurs se sont montrés plus conciliants. Ils ont accepté de reporter des paiements et leurs services de recouvrement ont été moins insistants. Mais la réalité va nous rattraper. « L’effet de la pandémie va se faire sentir en 2022 et 2023 », prédit le syndic.

Au Québec, 15,2 % des dossiers d’insolvabilité sont déposés par des personnes de 65 ans ou plus. Il s’agit de la proportion la plus élevée au pays, après le Nunavut. Cette proportion était de 10,5 % en 2015.

Les personnes âgées rencontrées par Guylaine Houle et Ronald Gagnon ont peu d’épargne, elles ont souvent utilisé leur maison comme guichet automatique et ont rempli plusieurs cartes de crédit. Au bout du compte, au lieu d’être libres en cessant de travailler, elles sont prisonnières de leurs habitudes.




Source: La Presse




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Claude Gélinas, Éditeur
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