Un avocat conteste le couvre-feu!

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cgelinas
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19 janvier 2021


« Je considère que c'est trop large et que ce n'est pas raisonnable dans les circonstances », affirme l’avocat. Droit-inc lui a parlé...

Me William Desrochers, un avocat et médiateur familial, a déposé ce dimanche un pourvoi en contrôle judiciaire pour contester l’application du couvre-feu.

Le fait que la marche et les promenades en voiture ne soient pas permises est déraisonnable, selon lui, et il demande à la Cour supérieure de se prononcer sur le sujet.

Droit-inc s’est entretenu avec celui qui est associé chez Desrochers Simard, un petit cabinet de Gatineau.

Droit-inc : Vous demandez essentiellement au gouvernement d’exclure la marche à pied ou le déplacement en automobile du couvre-feu… Pourquoi?

William Desrochers : C’est ça : en fait, tout ce que je considère qui va trop loin, donc qui n'implique pas de contacts sociaux, de rassemblement, de toucher à des matières potentiellement contaminées…

Moi, je considère que c'est trop large et que ce n'est pas raisonnable dans les circonstances.

Vous dites que ça vous atteint personnellement... et que vous le faites à la fois pour l'intérêt public?

Ça m'atteint personnellement, absolument... J’adore aller prendre des marches seul, le soir. Ça m’aide à réfléchir. Je pense à mes dossiers, ça me donne un moment de paix. J'ai des jeunes enfants à la maison, une conjointe… Dans un contexte de pandémie, des fois, il y a des tensions... Quand tout le monde est couché, j'aime bien aller prendre une marche : c’est sain, c’est même nécessaire pour ma santé mentale…

Pour certaines autres personnes, ça peut être juste aller faire un tour de voiture; ils ne vont nulle part, ils font une balade en auto... Je n’attraperai sûrement pas la COVID tout seul, dans mon auto!

Je trouve que c’est un peu excessif et déraisonnable… Il appartiendra au gouvernement de se justifier et d'expliquer en quoi c'est raisonnable dans une société libre et démocratique, parce que le fardeau est sur leurs épaules.

À moins qu'on me dise que je n'ai pas démontré atteinte à ma liberté… mais je pense qu’elle est pas mal évidente!

Mais l'argument qu'on entend souvent depuis le début de la pandémie, c'est que c'est une situation exceptionnelle, qui demande des mesures exceptionnelles...

C'est sûr... Mais il faut quand même que ce soit raisonnable! Ça appartiendra au tribunal de trancher. Tout va dépendre aussi des explications que va apporter le gouvernement.

Le gouvernement n’a pas à avoir de preuves scientifiques… je n'ai pas de problème avec ça. Tout ce qu’il faut, c’est que ce soit raisonnable. Je demande que le gouvernement explique en quoi ce l’est, et qu’on fasse le débat.

Et même, je suis prêt à me laisser convaincre! Si on me fournit des explications, et que je suis convaincu, ça va me faire plaisir de me désister. Mais personnellement, je ne le vois pas.

Vous avez déposé cette demande dimanche?

Oui, j'ai déposé ça dimanche au greffe numérique, et j'ai eu mon dossier de cour lundi matin. J'ai notifié le Procureur général du Québec aux alentours de midi. J'ai envoyé un huissier en personne, et ils sont fermés, donc il s'est buté à une porte close. Ensuite, on a notifié par courriel, comme c'est permis de le faire.

Avez-vous eu une réponse?

Non, ni du PGQ ni de la cour, d'ailleurs. Ensuite, j'ai envoyé ça à la coordination de la Cour supérieure, demandant qu'une conférence de gestion soit convoquée… suggérant que je pouvais envoyer un avis de présentation à telle heure, telle date, au PGQ.

Parce que c'est sûr que si j'attends qu'ils désignent un avocat, je peux attendre longtemps! J'insiste que c'est un recours qui est urgent. Ça ne donne rien qu’ils l’entendent dans six mois… c'est maintenant!

Quelle est la prochaine étape, donc?

C’est entre leurs mains... Si dans quelques jours encore, je n'ai pas de nouvelles, mon option est de déposer une demande en suspension de l’applicabilité du décret, une demande dite interlocutoire, traditionnelle, pour être entendue de façon urgente.

Mais moi, j’essaie d’innover un peu, et de faire une gestion d’instance pour qu’on tranche l’affaire au fond, le plus rapidement possible, de façon simple, efficace et expéditive.

Je suis prêt à admettre tous les faits qu'il faut admettre, je veux pas faire un débat factuel ou scientifique, je veux trancher la question de droit.

Parce que le contexte actuel, ce qui se passe, c'est quand même de notoriété publique, je ne remets pas ça en question!

Je veux qu’on fasse le test de l’article 1 de la Charte canadienne, qu'on l'applique à la présente situation, et qu'on tranche : est-ce que c'est une atteinte qui est raisonnable ou non?

Avez-vous reçu beaucoup de réactions, jusqu’à présent?

Seulement des appuis. Je n'ai pas eu de courriels de bêtises ou d'appels désobligeants... C'est vraiment toutes sortes d’appuis d’un peu partout! Des gens que je ne connais pas qui me contactent, des amis de longue date qui m'appuient...

Avez-vous peur de passer pour un conspirationniste?

S'il y en a qui me traitent de conspirationniste, ils diront bien ce qu’ils voudront. Mais est-ce que j'ai peur de ça? Non!

Moi, je ne pense pas qu’il y ait un complot! Ce que je dis, c'est que selon moi, c’est déraisonnable dans les circonstances. Je demande au tribunal d'en juger.

Le tribunal est gardien de la constitution, des chartes des droits fondamentaux, et c'est à lui à en juger.

Le gouvernement prend des mesures draconiennes, rapidement… Ça fait environ 10 mois qu’on est là-dedans. Le tribunal doit assurer une protection des droits fondamentaux, de la même façon qu'il doit répondre promptement et contrôler l'action gouvernementale, répondre à cette question de façon efficace. Le tribunal a tous les pouvoirs et les moyens technologiques qu’il faut, pour qu’une audience puisse être tenue dans les plus brefs délais.

Comme tout citoyen, j'ai le droit d’être entendu, et comme avocat, je considère que c’est mon devoir de prendre les choses en main, quand les circonstances s'y prêtent. Et en ce moment, j'estime que c'est le cas.

Pensez-vous qu’une personne qui a reçu son vaccin ou qui a récemment eu la COVID devrait également être exemptée du couvre-feu?

Je n'ai pas les informations ou les connaissances pour répondre à cette question-là. C’est une question de faits... Si des gens sont effectivement immunisés, et que c'est appuyé par des preuves scientifiques, ça pourrait peut-être être une option… Si les gens veulent faire valoir des moyens, ils le feront.

Mon recours s’applique pour M. et Mme Tout-le-monde, le Québécois moyen. La Charte est souvent utilisée pour les minorités ethniques ou religieuses, mais la Charte, elle est là aussi pour tout le monde. Le droit à la liberté, c'est le même pour tous. Je pense que le tribunal doit faire un examen de ce qui se passe en ce moment... Moi, je soulève de sérieuses questions.

On verra… Le pire qui va arriver, c’est qu’on me dise que j'ai tort. Et je vais respecter l'autorité du tribunal, je n'aurai pas de problème avec ça.



Source: Droit inc.



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3 février 2021


L’avocat qui conteste le couvre-feu affirme maintenant que les mesures sanitaires adoptées par décret sont « possiblement illégales ». Une prof de droit est d’accord...

Me William Desrochers, qui a déposé il y a deux semaines un pourvoi en contrôle judiciaire pour contester l’application du couvre-feu, considère maintenant que la façon de gouverner du premier ministre Legault, par décrets, est problématique, voire illégale.

L’avocat et médiateur familial de Gatineau affirme avoir découvert quelque chose « de plus grave » en préparant son dossier : il estime notamment que le principe de séparation des pouvoirs n’est pas respecté.

La Loi sur la santé publique prévoit que le gouvernement peut déclarer l’état d’urgence sanitaire, lorsque la menace exige l’application immédiate de certaines mesures, rappelle-t-il.

« Le gouvernement renouvelle tous les dix jours l’état d’urgence sanitaire. Alors que selon moi, c’est un pouvoir d’urgence seulement… », avance Me Desrochers.

« Au début, c’était l'inconnu… Quand la première vague nous est rentrée dedans, c’était normal d’y aller avec des mesures draconiennes. Mais l'été passé, à la fin de la première vague, je crois qu’il y aurait eu lieu de planifier un peu. C’était connu que la deuxième vague s’en venait, les experts en parlaient. On n'est plus dans l'immédiat, on est rendu dans la gestion de ce qu’est devenu le monde aujourd’hui. »

Celui qui est associé chez Desrochers Simard, un petit cabinet de Gatineau, a modifié sa demande initiale pour inclure ce volet dans sa requête. Si le tribunal penche en sa faveur, il demande de suspendre le jugement pendant 60 jours et de déclarer nuls tous les décrets adoptés par le gouvernement, pour laisser le temps à l’Assemblée nationale d'adopter une loi pour définir les mesures sanitaires.

« J’entends maintenant demander à la Cour supérieure d’accorder 60 jours au gouvernement afin qu’une loi soit adoptée par l’Assemblée nationale, conformément à notre constitution qui prévoit la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire », précise-t-il.

Il ajoute : « On ne peut pas accepter que notre société perde beaucoup de sa démocratie; c’est ce qui est en train de se passer. »

Mais comment expliquer, alors, que personne d’autre n’ait soulevé ce point, jusqu’à présent?

« Des fois, il y a un éléphant dans la pièce et personne ne le voit. C’est tellement fondamental, central… Depuis le début de la pandémie, je me suis intéressé à la Loi sur la santé publique. La première fois que je suis tombé sur ces articles, a priori, tout semblait légal et conforme… » confie celui qui avoue ne pas être un constitutionnaliste.

« Mais c’est en travaillant le dossier, la semaine passée, que je suis tombé sur quelque chose de dur. Je me suis mis à réfléchir là-dessus, et plus j’y pense, plus je me dis : ça n'a aucun bon sens ce qui est en train de se passer! Je m’explique mal que les partis d’opposition n'aient pas revendiqué ça. J'aimerais ça qu’ils le fassent! Ce serait beaucoup mieux que ça se fasse par la voie politique. »

Qu’en pensent les spécialistes?

Le constitutionnaliste Julius Grey n’est pas convaincu par la démarche de Me Desrochers.

« Il est clair que la loi sur la santé permet au gouvernement de gouverner par décret, affirme-t-il. Il n’y a pas de limite de temps pour cela. »

Bien sûr, si ce processus était reconduit à l’infini, il y aurait « des effets politiques néfastes », souligne Me Grey, mais pour l’instant, il ne croit pas que la « période de tolérance » soit passée.

La professeure agrégée à la Faculté de droit de l’Université de Montréal Martine Valois croit plutôt que l’argumentaire de Me Desrochers est loin d’être farfelu.

« La Loi sur la santé publique prévoit des pouvoirs extraordinaires, grâce à l’état d’urgence (prévu pour dix jours, et renouvelable par la suite)… mais il n’était pas prévu que l’état d’urgence soit continu pendant près d’un an », explique la professeure spécialisée en droit administratif et dans les institutions de l’État.

« Bientôt, ça va faire à peu près 36 renouvellements qu’on aura eus depuis le 13 mars 2020 », image-t-elle.

« Le problème, c’est qu’on a une loi qui n’a pas été rédigée en prévision d’une pandémie et de ce qu’on vit actuellement, depuis un an. On ne peut pas avoir un pouvoir renouvelable, et penser que le gouvernement peut, à sa discrétion, le renouveler à l’infini. »

Elle cite en exemple la la loi fédérale sur les mesures d'urgence, qui prévoit qu’après que le gouvernement a décrété l’état d’urgence, le parlement doit être convoqué dans les sept jours suivants pour une motion de ratification – un aspect manquant à la loi québécoise.

Le gouvernement de la CAQ agit comme s’il n’avait aucune limite, déplore Me Valois, et il doit être « rappelé à l’ordre ».

« C'est très problématique. Le gouvernement fait ce qu’il veut. Il n’écoute pas nécessairement les avis de la santé publique. Le gouvernement agit selon son bon vouloir, de manière autocratique; il ne veut pas être contraint par qui que ce soit. »

Elle doute toutefois que Me Desrochers ait gain de cause, puisqu’il devra démontrer qu’actuellement, l’état d’urgence n’est pas justifié, et que toutes les mesures sanitaires ne sont pas nécessaires... ce qui ne risque pas d’arriver.

« Ça va être difficile pour lui de démontrer qu’en ce moment, la situation sanitaire ne représente pas une menace grave à la santé de la population, précise Me Valois. Si on arrête toutes les mesures, la contagion et la transmission vont repartir de plus belle… et il va y avoir une explosion de cas. »

N’empêche que, tout comme Me Desrochers, la professeure Valois estime que ce débat devrait avoir lieu à l’assemblée législative, et non pas devant les tribunaux.

« La démocratie parlementaire, en ce moment, est complètement mise de côté », déplore-t-elle.

Où en est la demande contre le couvre-feu?

William Desrochers demandait initialement qu’une conférence de gestion soit convoquée par la cour en urgence pour discuter du couvre-feu et des mesures qui en découlent – que l’avocat estime « trop larges ». Il trouve par exemple déraisonnable le fait de ne pas pouvoir sortir marcher tout seul, le soir.

Le gouvernement s’est opposé à ce que la conférence de gestion soit tenue avant le 1er février, soit la date de la séance de pratique usuelle de la cour. Le tribunal a finalement refusé sa demande de gestion urgente. Me Desrochers a ensuite déposé une demande pour l’émission d’une ordonnance de sauvegarde, qui doit être entendue ce mercredi, devant le juge Dominique Goulet.

Les avocats Xanthoula Konidaris et Charles Gravel représentent le Procureur général du Québec.

Par ailleurs, le PGQ a fait parvenir les déclarations de deux experts pour justifier l’application du couvre-feu. Le Dr Éric Litvak, conseiller médical stratégique adjoint à la Direction générale de la santé publique, a fait une déclaration assermentée dans laquelle il détaille l’argumentaire justifiant le couvre-feu dans sa forme actuelle.

Selon lui, les mesures sanitaires avaient fait l’objet d’un relâchement de la part de la population durant la période des Fêtes et au début du mois de janvier, et il était urgent de « s’attaquer aux activités de socialisation », qui se déroulent en grande majorité le soir.

L’intérêt du couvre-feu est « d’introduire une règle sans ambiguïté et facile à appliquer par les autorités de la santé publique », détaille le Dr Litvak. Or, si on permettait à des personnes seules de pouvoir marcher, cela compliquerait véritablement le travail des forces policières, et pourrait permettre à certains de se rendre chez des amis, par exemple.

« Il est important de souligner que, dans le contexte épidémiologique que nous connaissons avec la COVID-19, même une petite proportion de personnes qui ne respectent pas les mesures peut faire augmenter la transmission du virus de manière significative », ajoute-t-il.




Source: Droit inc.




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Claude Gélinas, Éditeur
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