Québec envisage la destitution de Martin Prud'homme, qui crie à l'« injustice »

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La ministre Guilbault demande à la Commission de la fonction publique de juger s'il y a lieu de destituer le patron de la Sûreté du Québec. Ce dernier nie avoir quoi que ce soit à se reprocher et promet qu'il va se défendre.

Québec demande à la Commission de la fonction publique de déterminer s'il y a lieu de destituer ou de suspendre sans rémunération le directeur général de la Sûreté du Québec (SQ), Martin Prud’homme. Ce dernier affirme qu'il n'a rien à se reprocher et crie à l'injustice.

En conférence de presse vendredi matin, la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a indiqué que la décision de saisir la Commission du dossier a été recommandée par le Secrétariat aux emplois supérieurs au terme d'une enquête administrative portant sur M. Prud'homme.

La Commission devra déterminer s'il y a existence ou suffisance d’une cause de destitution ou de suspension sans rémunération de M. Prud’homme, a-t-elle dit. Le patron de la police provinciale est suspendu de ses fonctions, avec salaire, depuis 19 mois.

Selon La Presse, le comité de trois experts chargé d’effectuer une enquête administrative sur M. Prud'homme a conclu qu'il a commis une faute déontologique suffisamment grave pour qu'il soit destitué.

La faute déontologique en question aurait été commise lors d’un appel de M. Prud’homme à la directrice des poursuites criminelles et pénales (DPCP), Me Annick Murphy, en octobre 2017.

Cet appel portait sur une enquête du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) visant à identifier la source de fuites au sein de l’Unité permanente anticorruption (UPAC).

Une enquête initiale du BEI sur l'appel de M. Prud'homme à Me Murphy n’a pas abouti à des accusations criminelles contre M. Prud'homme, mais les experts qui se sont penchés sur les allégations par la suite y auraient tout de même vu une faute déontologique grave.



Je suis d’accord avec la recommandation du Secrétariat des emplois supérieurs d’en référer à la Commission de la fonction publique parce que je juge que le motif est sérieux […] Si je considérais que c’est frivole ou que c’est mineur, on n’en serait pas rendu à mandater la Commission.

Geneviève Guilbault, ministre de la Sécurité publique du Québec



En vertu de la Loi sur la police, seule l’Assemblée nationale, à une majorité des deux tiers, a le pouvoir de destituer le directeur général de la SQ.

Cela doit se faire sur recommandation de la Commission de la fonction publique, d'où le mandat que lui a confié la ministre Guilbault. On estime que la faute le justifie, a expliqué la ministre.

Mme Guilbault est demeurée discrète sur le contenu du rapport du comité d'experts pour des raisons de confidentialité. Elle affirme que M. Prud'homme a reçu ce rapport le 9 juin dernier.

Si M. Prud'homme consent à ce que le contenu du rapport des experts […] soit rendu public, nous allons y consentir aussi, a-t-elle laissé tomber.
Je ne peux pas confirmer ou infirmer de détails sur le contenu du rapport. J’ai moi-même été saisie de cette information le 1er septembre et si je vous annonce aujourd’hui la suite, c’est que dans l’intervalle il y a eu des demandes de délais notamment de M. Prud’homme et de ses procureurs.

Geneviève Guilbault, ministre de la Sécurité publique du Québec


J'entends défendre mes droits et ma réputation, dit Prud'homme

J'apprends avec consternation et avec un sentiment profond d'injustice que le gouvernement vient de mandater la Commission de la fonction publique afin qu'elle lui fasse rapport sur ma possible destitution de la direction de la Sûreté du Québec, a réagi M. Prud'homme dans un communiqué publié à l’aube vendredi.

Il y affirme que la véritable intention derrière l’enquête administrative du comité d'experts n'était pas l'appel téléphonique.

Il s'agissait plutôt selon lui de procéder à une vaste partie de pêche visant à [l']associer aux fuites médiatiques sur la simple présomption que j'avais des liens d'amitié avec Guy Ouellette et des liens familiaux avec l'ex-commissaire à l'UPAC, Robert Lafrenière. Ce dernier est le beau-père de M. Prud'homme

Pourtant, la preuve a été faite que toutes les informations à cet égard se sont avérées inexactes, assure-t-il.

Pendant toute la durée de l'enquête [administrative], à aucun moment je n'ai été informé des véritables motifs de ma suspension et jamais on ne m'a rencontré pour obtenir ma version des faits, ce qui va à l'encontre des principes de justice fondamentale, dénonce le patron de la police provinciale.



Le gouvernement s'apprête à prendre une décision sur la base de faits erronés, incomplets et qui comportent une multitude de raccourcis. Je n'ai jamais eu le droit de me défendre adéquatement et j'en conclus aujourd'hui que je suis victime d'une volonté du gouvernement de mettre fin à 32 ans de carrière au service du public.

Martin Prud'homme, directeur général de la Sûreté du Québec



J'entends défendre mes droits et ma réputation devant une instance juste et impartiale puisque j'ai perdu toute confiance dans la capacité du sous-pouvoir politique qui a déjà décidé que ma carrière était terminée, ajoute-t-il, laissant entendre qu'il pourrait entreprendre des poursuites dans cette affaire.

Prud'homme convaincu de n'avoir commis aucune faute

Dans une entrevue subséquente accordée à l'émission Tout un matin, M. Prud'homme a précisé être convaincu qu'il n'a commis aucune faute déontologique lors de son appel à Mme Murphy et qu'il n'a rien à se reprocher.

Selon lui, toute cette affaire a démarré le 23 octobre 2017, lorsque le relationniste de la SQ, Guy Lapointe, lui a annoncé qu'il était victime d’une campagne de salissage menée notamment par des procureurs du DPCP, et que l'affaire allait sortir dans les médias.

Au cours de l'été 2017, donne-t-il en guise de contexte, la Sûreté du Québec avait refusé de collaborer à l'enquête du BEI sur les fuites à l'UPAC. On a refusé de faire enquête pour toutes sortes de raisons. Il n’était pas approprié que la Sûreté s’occupe de ce dossier, a-t-il déclaré.

Qui plus est, il dit avoir été rencontré comme témoin par des enquêteurs chargés de cette enquête à deux reprises dans les semaines qui ont suivi. On lui avait demandé d'expliquer sa relation avec le député et ancien policier Guy Ouellette et il n'avait pas fait de mystère que ce dernier était un ami depuis 25 ans.



La version de Martin Prud'homme

Je lui ai dit, à Annick Murphy, que je l’appelais au sujet du dossier concernant Guy Ouellette et l’enquête. Dans le contexte, c’est dur de vous l’expliquer, mais je lui ai dit que j’entendais qu’il y avait des gens qui me salissaient, qui doutaient de moi, que c’étaient ses propres employés qui parlaient comme ça, que ces allégations étaient fausses et que c’était pour sortir sur la place publique.

On avait de la difficulté à se comprendre. […] On est complètement sur deux pages différentes. Elle me dit à un moment donné : "Martin, je te connais, mais on ne peut pas parler de ce dossier". J’ai dit : "Je ne veux pas parler du dossier, je veux te dire que j’entends ça. C’est anormal qu’on laisse faire ça".

Ce n’est pas que le ton a monté, c’est que je parle vite. On se coupait mutuellement la parole à deux ou trois occasions. Moi et Annick Murphy, on s’est toujours respectés. Je n’ai jamais jamais crié après Annick Murphy. Je ne lui ai rien demandé par rapport au dossier. Je ne lui ai pas demandé d’intervenir.

Faut comprendre une chose, moi je suis rencontré comme témoin. Je ne me sens jamais visé comme un suspect dans ce dossier. Je n’ai pas de raison de demander quelque chose à Annick Murphy autre que ce que j’ai toujours demandé quand ça concerne mes employés : qu’on me le dise quand il y a un problème.

Cette dame-là, j’ai compris qu’elle a perçu, qu’elle a compris qu’elle pensait ce que je voulais faire. Je ne l’appelais pas pour ce qu’elle a pu penser.



Le député Guy Ouellette a été arrêté et interrogé par l'UPAC deux jours après cet appel de M. Prud'homme à Me Murphy. Il était considéré comme un suspect de l'enquête sur des fuites d'informations liées à l'enquête Mâchurer de l'UPAC, qui portait sur le financement du Parti libéral du Québec (PLQ).

Les démarches contre M. Ouellette ont été abandonnées près d'un an plus tard, après que le DPCP eut admis que les mandats de perquisition obtenus par l'UPAC pour procéder à des perquisitions à sa résidence et dans son véhicule étaient invalides. Il a depuis intenté une poursuite de 550 000 $ contre le gouvernement pour atteinte à sa réputation, préjudice moral et perte monétaire.

Un an sans pouvoir donner sa version des faits

Bien que l'appel à l'origine de sa possible destitution date du 23 octobre 2017, M. Prud'homme affirme qu'il n'en a jamais entendu parler avant mars 2020.

Entre-temps, il avait d'ailleurs été envoyé à la tête du Service de police de la Ville de Montréal, alors en pleine tourmente, pour un mandat qui aura duré un peu moins d'un an.

L'affaire a toutefois des conséquences pour lui à compter du 6 mars 2019, date à laquelle il dit avoir été convoqué par le Secrétariat aux emplois supérieurs au bureau montréalais du premier ministre, a-t-il relaté à Tout un matin.

La secrétaire générale associée aux emplois supérieurs au ministère du Conseil exécutif, Line Bérubé, lui apprend alors qu’il est suspendu en raison d’allégations criminelles d’entrave et d’abus de confiance, mais sans lui donner de détails sur l'événement en cause.

M. Prud’homme affirme qu’un enquêteur du BEI l’a ensuite traité comme un criminel avant qu’il n’apprenne, en sortant de l’immeuble, que la ministre Guilbault annonçait sa suspension, sans qu'il ait eu le temps de prévenir ses proches.

Le patron de la police provinciale s'en retourne alors chez lui, où il restera selon lui sans nouvelles de qui que ce soit avant que Mme Bérubé ne le convoque de nouveau en mars 2020, à Québec cette fois.

C'est lors de cette rencontre, dit-il, qu'il a appris que la plainte ayant mené à sa suspension était liée à son appel à Me Murphy.

L’enquête du BEI n’a pas abouti au dépôt d’accusations criminelles, lui apprend-on par la même occasion, mais un comité d’experts se penchera néanmoins sur une faute déontologique alléguée.



Ça fait une année qu’il y a une enquête criminelle sur moi. C’est un appel téléphonique entre deux personnes, entre moi et Annick Murphy. Et on ne vient pas me voir! On ne me demande pas ma version. On ne me questionne pas. [...] Je ne comprends pas. On est dans une partie de pêche. Moi, ça fait un an que j’attends.

Martin Prud'homme, directeur général de la SQ, à Tout un matin



Le directeur général de la SQ affirme qu'il a fallu encore quelques semaines avant qu'il soit invité à rencontrer le comité d'experts chargé de l'enquête administrative. Cette rencontre, lui dit-on, n'est pas obligatoire.

Mais comment ça ne peut pas être obligatoire si on fait une enquête éthique sur moi, de vouloir me rencontrer et d’entendre ma version? s'emporte-t-il. Ça fait 14 mois que je ne l’ai pas donnée. Bien sûr que je voulais!

M. Prud’homme dit finalement avoir livré un monologue de quatre heures au comité en mai dernier, discutant tour à tour de son code d’éthique, de ses relations avec MM. Ouellette et Lafrenière, et du contexte de l’appel à Me Murphy.

Le comité ne lui a posé aucune question, pendant, avant et après l'entrevue, dit-il. Il dit avoir demandé à faire entendre deux témoins, mais en vain, même si le comité a accepté, selon lui, d'entendre d'autres témoins.

M. Prud'homme n'a pas voulu donner trop de de détails sur cette rencontre. J’ai signé un engagement, c’est confidentiel cette rencontre, je n’ai pas le droit de le faire. Moi, je vais respecter cet engagement, peu importe ce qui va se dire. Ce n’est pas moi qui vais rompre cet engagement, a-t-il dit à Tout un matin, avant que la ministre Guilbault avance qu'il pourrait consentir à divulguer le rapport final du comité d'experts.

Un processus bidon, dénonce Prud'homme

M. Prud’homme affirme qu'après cette rencontre, ses avocats ont eu plusieurs discussions avec un procureur désigné par le gouvernement, et qu'il était clair que le gouvernement ne voulait plus de lui.

Au cours de l’été, ce qu’on a m’a dit clairement, [c’est que] Martin Prud’homme ne peut pas revenir à la Sûreté du Québec, et Martin Prud’homme ne peut pas revenir comme un employé au niveau du gouvernement du Québec, a-t-il expliqué.

Anciennement sous-ministre à la Sécurité publique, M. Prud'homme demeure haut fonctionnaire de l'État, prêté à la Sûreté du Québec.



Au cours de l’été, on va plus loin que ça dans les conversations. Ce qu’on dit là, c’est que dans le fond, on va acheter mon silence. Moi, si je décide, par moi-même, d’annoncer ma retraite et que je quitte, le processus déontologique, disciplinaire, va s’arrêter.

Martin Prud'homme, directeur général de la SQ, à Tout un matin



M. Prud’homme soutient que des discussions entre avocats à ce sujet venaient d'avoir lieu jeudi d'après-midi lorsqu'il a appris, en soirée, à [sa] grande surprise, que la ministre Guilbault s’apprêtait à mandater la Commission de la fonction publique pour déterminer s'il y a lieu de le destituer.

Moi j’étais en train de mettre la table : si je quitte, comment on fait ça. Je réfléchissais à tout ça – et hier soir, j’apprends que Mme Guilbault, avec ses qualités de communicatrice, […] va annoncer aujourd’hui qu’on va recommencer un troisième processus, dans lequel on va venir déterminer si j’ai fait une faute, et si j’ai fait une faute grave, on va demander ma destitution, affirme-t-il.

Tout l'été, on m’a dit que je ne pourrais pas revenir. Là, on est dans un processus bidon. Ça n’a aucun sens. Je ne recommencerai pas un troisième et un quatrième processus.




Que ferait l'Assemblée nationale?

Même si la Commission de la fonction publique devait recommander sa destitution, Martin Prud’homme ne pourra pas être destitué sans que les deux tiers des députés de l’Assemblée nationale l'approuvent. Cela signifie que 84 députés devraient voter en faveur d’une motion.

La CAQ ne disposant actuellement que de 76 des 125 sièges, il lui faudrait l’appui d’au moins un autre parti pour pouvoir aller de l’avant.

Dans une réaction préliminaire faite avant la conférence de presse de Mme Guilbault, le porte-parole du Parti libéral en matière de sécurité publique, Jean Rousselle, s’est montré loin d’être convaincu.

Ce à quoi on assiste ressemble à un règlement de comptes, a-t-il indiqué à Radio-Canada. Il manque beaucoup d'éléments dans l'histoire pour comprendre ce qui s'est passé et comment on peut en venir à la conclusion que M. Prud’homme a commis une faute déontologique suffisamment grave pour être destitué.

Depuis le début, les déclarations laconiques de la ministre Guilbault démontrent un grand manque de transparence dans le dossier. Les rapports doivent être portés à l'attention du public, a-t-il ajouté.

Son vis-à-vis au sein de Québec solidaire, Alexandre Leduc, s’est montré plus circonspect. Si M. Prud’homme désire faire valoir son point de vue, il devra participer à l’enquête de la Commission de la fonction publique. À savoir si une destitution est nécessaire, on s’en remet à l’analyse de la Commission de la fonction publique, qui rendra ses conclusions, a-t-il dit.

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a été plus tranchant. Jamais le Parti québécois ne va appuyer un processus de destitution s’il n’y a pas de transparence, a-t-il affirmé. Le PQ veut qu’on lui présente l’ensemble des faits, et tient à savoir pourquoi le processus a été aussi bâclé, a ajouté M. St-Pierre Plamondon.

M. Prud'homme n'a pas répondu directement lorsqu'on lui a demandé s'il avait espoir d'obtenir le soutien des élus de l'Assemblée nationale pour la suite des événements.

Pour moi, ce qui est le plus important, c’est d’établir la vérité, ma réputation. J’ai confiance à l’Assemblée nationale, j’ai confiance aux élus, mais il y a quelque chose qui est sûr, c’est qu’il y a quelque chose qui est complètement anormal dans ce processus, a-t-il laissé tomber.




Source: Radio-Canada



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Claude Gélinas, Éditeur
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