SCALE AI, coprésidée par Hélène Desmarais, vient d’octroyer un financement d’un million $ à une autre organisation qu’elle préside et à une firme où son fils, Paul Desmarais III, figure parmi les administrateurs.
Début mai, la super grappe d’intelligence artificielle SCALE AI, un consortium dirigé par l’industrie coprésidée par Hélène Desmarais, a versé 3,4 millions de dollars à huit projets liés à la COVID-19.
Dans le cadre de l’appel de projets, plusieurs critères ont été évalués, a souligné SCALE AI, notamment l’impact sur la population, l’amélioration des soins, l’intelligence artificielle ou encore son déploiement rapide.
Son fils
Sur les 120 projets soumis en trois semaines à SCALE AI, huit ont été retenus, dont deux sont liés à la famille Desmarais, correspondant à 1 million de dollars, ou près du tiers de l’enveloppe de 3,4 millions de dollars.
Un demi-million $ a été octroyé au Creative Destruction Lab (CDL), dont la branche montréalaise est présidée par Hélène Desmarais.
Un autre demi-million $ a été versé à la firme de télémédecine Dialogue Technologies, dont le premier actionnaire est Diagram Ventures Limited Partnership, de Diagram, cofondée et présidée par Paul Desmarais III, et dont l’un des administrateurs est aussi Paul Desmarais III, le fils d’Hélène Desmarais.
Paradis fiscaux
En avril dernier, Le Journal a révélé que le troisième actionnaire de Technologies Dialogue Inc., HV Holtzbrinck Ventures Fund VI SCS, est enregistré au Luxembourg avec une adresse apparaissant dans les Offshore Leaks du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ).
Après notre demande d’entrevue avec le président de Dialogue, Cherif Habib, le mois dernier, le deuxième actionnaire de Technologies Dialogue Inc., WSC IV LP, basée à Guernesey, aussi reconnu comme étant un paradis fiscal, avait été modifié au Registre des entreprises pour une autre adresse située au Royaume-Uni.
Depuis quelques mois, la firme de télémédecine Dialogue courtise le gouvernement du Québec pour proposer ses services à cinq ministères québécois, dont celui de la Santé.
La fille de Jean Charest
Alexandra Dionne-Charest, la fille de l’ex-premier ministre Jean Charest, qui travaille pour la firme de relations publiques Teneo, a été lobbyiste pour Dialogue pour un projet pilote au ministère de la Santé.
Deux ex-figures publiques du géant américain Uber travaillent au sein de l’entreprise de médecine privée Dialogue, Jean-Nicolas Guillemette et Jean-Christophe de Le Rue.
Plus de 14 millions $ ont été investis dans Dialogue par la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). Investissement Québec a aussi prêté deux millions de dollars à l’entreprise.
– Avec la collaboration de Marie Christine Trottier
Ces dernières années, SCALE AI a reçu plus de 230 millions $ d’Ottawa et 60 millions $ de Québec pour mettre l’intelligence artificielle et la robotique au service du commerce de détail, de la fabrication, des transports, des infrastructures, des technologies de l’information et des communications.
LES ORGANISMES AI D’HÉLÈNE DESMARAIS
Creative Destruction Lab, Mtl
Fondation : 2012
Date de l’arrivée d’Hélène Desmarais : 2017
Contribution de Québec : 10 millions $ (avec Next AI
IVADO Labs
Fondation : 2017
Date de l’arrivée d’Hélène Desmarais (fondatrice et présidente exécutive) : 2017
Contribution de Québec : 60 millions $ (avec SCALE AI)
SCALE AI
Fondation : 2017
Date de l’arrivée d’Hélène Desmarais (coprésidente du conseil) : 2017
Contribution d’Ottawa : 230 millions $
Contribution de Québec : 60 millions $ (avec IVADO Labs)
DE L’AIDE PUBLIQUE CONTROVERSÉE
Ces derniers jours, des entrepreneurs québécois en intelligence artificielle qui en arrachent en raison de la COVID-19 se sont dits choqués de voir comment l’argent de l’enveloppe de SCALE AI avait été distribuée.
« Au moment où des start-up sont sur le qui-vive, ça me choque de voir que l’argent public semble aller à des membres d’une même famille. Aller chercher un million $ à Investissement Québec (IQ), ça prend des mois. C’est long », a soupiré l’un deux, qui a exigé l’anonymat.
« Ce sont toujours les mêmes qui ont tout. Les start-up qui ne sont pas connectées aux Desmarais se retrouvent bredouilles », a ajouté un autre, qui préfère lui aussi ne pas divulguer son identité.
Conflit d’intérêts ?
« Elle est en apparence de conflit d’intérêts parce que des personnes raisonnables peuvent mettre en doute cette décision. Ça soulève des questions », observe pour sa part le professeur et expert en éthique de l’UQAM, Michel Séguin.
« Si elle explique, elle pourrait dissiper ces questions. C’est à elle de faire la démonstration que la décision était objective », a ajouté Michel Séguin.
Jointe par Le Journal, Hélène Desmarais a décliné notre demande d’entrevue par la bouche du cabinet de relations publiques National embauché par SCALE AI.
Obligation de retrait
« Soulignons que, par principe, tous les membres de notre comité d’experts qui analyse les dossiers ou du conseil d’administration qui approuve les recommandations ont l’obligation de se retirer de toute discussion concernant une organisation à laquelle ils seraient liés de près ou de loin », a précisé SCALE AI.
SCALE AI a indiqué qu’Hélène Desmarais n’avait pas pris part aux discussions des organismes liés à elle ou à son fils qui ont obtenu du financement public.
« Dans ce contexte, nous pouvons vous confirmer que madame Desmarais n’a participé à aucune discussion concernant les projets de CDL ni de Dialogue », a conclu SCALE AI.
Source: Journal de Montréal