André Lamontage avait soutenu la semaine dernière qu'il avait « personnellement autorisé » le congédiement de l'agronome pour avoir informé les médias de l'influence des lobbys sur la recherche scientifique à propos des pesticides.
Or, en conférence de presse lundi, le ministre affirme plutôt s'être mal exprimé « dans le feu de l'action ».
« Dans les faits, un ministre n'embauche pas et ne congédie pas de fonctionnaires, précise-t-il. Et je ne suis intervenu d'aucune façon. »J'admets aujourd'hui avoir fait une erreur en prenant sur mes épaules le poids de cette décision, qui est en réalité une décision administrative.
André Lamontagne, ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
M. Lamontagne affirme reconnaître que ses propos ont créé un « remous important ». « C'est pourquoi j'ai demandé une enquête indépendante afin que la lumière soit faite sur l'ensemble du dossier », indique-t-il.
Le Parti libéral du Québec et le Parti québécois avaient réclamé une enquête pour faire la lumière sur ce congédiement. Québec solidaire demande pour sa part la réintégration du fonctionnaire, qui avait 32 ans de service au ministère.Je pourrais comprendre que la confiance du public envers la loi soit ébranlée, je peux comprendre ça.
André Lamontagne, ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
La Protectrice du citoyen a un pouvoir discrétionnaire quant aux enquêtes qu'elle accepte de mener. La loi ne la contraint pas non plus à dévoiler ce sur quoi elle enquête.
La fonction publique derrière l'agronome congédié
Un large pan de la fonction publique du Québec, des avocats de l'État jusqu'aux ingénieurs, se range derrière le lanceur d'alerte Louis Robert. Dans une lettre ouverte, une coalition de syndicats regrette qu'un ministre ait autorisé personnellement son renvoi.
Dans la lettre ouverte, intitulée « Quand le lanceur d'alerte devient la cible », on peut lire : « Nous, les syndicats représentant l’ensemble des travailleuses et des travailleurs de la fonction publique du Québec, sommes très préoccupés par ces événements. »
Les auteurs regrettent qu'« une chasse à l'homme » ait été lancée au ministère de l'Agriculture, plutôt que de se concentrer sur la problématique de l'indépendance de la recherche publique sur les pesticides.
-- -- --L’ingérence du ministre Lamontagne dans le processus qui a mené au congédiement de M. Louis Robert est également hautement préoccupante.
Extrait de la lettre de la Coalition des syndicats de la fonction publique du Québec.
Les signataires représentent 73 000 employés de l'État québécois
- Syndicat de la fonction publique du Québec (40 000 membres)
- Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (25 600)
- Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (2800)
- Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (1500)
- Les avocats et notaires de l'État québécois (1100)
- Syndicat des professeurs de l'État du Québec (900)
- Syndicat des agents de protection de la faune du Québec (400)
- Fraternité des constables du contrôle routier du Québec (325)
- Syndicat des constables spéciaux du gouvernement du Québec (300)
- Syndicat professionnel des médecins du gouvernement du Québec
- Association des chirurgiens-dentistes du gouvernement du Québec
L'intervention du politique dans le processus de congédiement dérange au plus haut point les signataires.
« Ce sont généralement les gestionnaires qui infligent les sanctions disciplinaires lorsqu’ils les jugent nécessaires, écrivent les syndicats. Le fait que le pouvoir politique interfère directement [...] remet en question l’autorité des gestionnaires et des sous-ministres de son ministère. »
Les syndicats regrettent que la loi censée protéger les lanceurs d'alerte « a manifestement ses limites puisqu’elle ne permet pas d’ouvrir de débat public sur l’objet d’une dénonciation ».Est-ce que le ministre autorise personnellement toutes les mesures disciplinaires de son ministère? Et sinon, pourquoi ce cas en particulier? Est-ce que le ministre ou le parti avait un intérêt à travers tout ça?
Extrait de la lettre ouverte de la Coalition syndicale.
Au lendemain de l'annonce du licenciement d'un lanceur d'alerte, le ministère de l'Agriculture avait révélé avoir mis en place des mesures pour améliorer la situation dans la recherche publique sur les pesticides, minée par l'ingérence du privé dans les études et par la fuite de ses chercheurs. Les révélations auraient donc été jugées suffisamment sérieuses.Sans aucun doute, la santé et la sécurité alimentaire de Québécoises et des Québécois sont d’intérêts publics. [...] Tous les problèmes ne peuvent être réglés à l’intérieur de l’administration publique au cas par cas.
Extrait de la lettre ouverte de la Coalition des syndicats de la fonction publique.
Source: Radio-Canada