Le Québec perd ses sièges sociaux en douce

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cgelinas
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Les patrons de plusieurs grandes entreprises québécoises n’habitent même pas dans la province

Uni-Sélect s’est mise en vente cette semaine et pourrait bien passer à des intérêts étrangers, comme plusieurs autres entreprises québécoises depuis quatre ans. Hier encore, l’entreprise Walter Technologies, fondée en 1952 et qui compte 350 employés, a été vendue à des intérêts ontariens.

Il y a deux mois, c’était Camso de Magog, une compagnie de 6500 employés, qui était vendue aux Français de Michelin.


La question des sièges sociaux a été rapidement abordée lors du Face-à-Face des chefs jeudi soir, mais il faudra un jour qu’un gouvernement s’attarde sérieusement à la question, selon plusieurs experts à qui Le Journal a parlé ces dernières semaines.

Plusieurs sièges sociaux ont quitté, mais plusieurs autres ne sont plus que l’ombre de ce qu’ils ont déjà été puisque leurs hauts dirigeants exercent leurs fonctions ailleurs qu’au Québec.

Il y a aussi des fleurons comme Metro, SNC-Lavalin, CAE et Dollarama qui sont devenus vulnérables à une prise de contrôle.

Un siège social où la moitié ou moins des hauts dirigeants ont leur bureau ? Aussi absurde que cela puisse paraître, c’est la situation dans 11 entreprises qui figurent parmi les plus importantes du Québec.

Chez Aimia, qui gère le programme de fidélisation Aéroplan, plus aucun haut dirigeant n’habite au Québec, même si une tour du centre-ville de Montréal porte le nom de l’entreprise !

Des façades

« Ce sont des sièges sociaux de façade », constate Louis Hébert, professeur à HEC Montréal.

« Un siège social, c’est hautement symbolique, mais encore faut-il que ce symbole-là soit accompagné d’activités réelles, ajoute-t-il. Ce n’est pas toujours le cas. »

La situation a également continué de se dégrader au siège social de Bell, à L’Île-des-Sœurs, où on ne compte plus un seul membre de la haute direction ayant des responsabilités pancanadiennes. Le chef des finances étant désormais établi à Halifax, il n’y a plus que Martine Turcotte pour garder le fort à Montréal, et ses responsabilités se limitent au Québec.

« On y va selon le talent des gens », glisse Mme Turcotte, avant de se reprendre pour dire que l’entreprise doit avoir des cadres partout au Canada. Or, 12 des 14 membres de la haute direction de Bell sont à Toronto.

Moins à Montréal, plus à Toronto

En fait, le nombre total de hauts dirigeants résidant au Québec au sein des 10 entreprises montréalaises ayant la plus grande valeur boursière a reculé depuis 2015. À l’inverse, il a augmenté dans les 10 plus importantes entreprises torontoises.

« Peut-être que les efforts visant à protéger les sièges sociaux ont eu l’effet pervers de favoriser les coquilles de siège social », avance M. Hébert.

Plus étonnant encore, les PDG de 10 grandes entreprises d’ici habitent à l’extérieur du Québec. Le grand patron de la Banque Laurentienne réside à Toronto, celui de Couche-Tard en Indiana et celui de Stornoway Diamonds, une firme détenue à 25 % par le gouvernement du Québec, à Toronto.

Louis Hébert souligne que les hauts dirigeants sont de plus en plus sensibles à la conciliation travail-famille et que, de façon générale, le télétravail est plus répandu qu’auparavant.

« Si c’est bon pour nous, ça peut être bon pour les autres », fait-il remarquer.

Des sièges sociaux vides de leurs hauts dirigeants

BCE (Bell)

Le déplacement vers Toronto s’est amorcé juste avant l’arrivée du PDG George Cope en 2008.

Jusque-là, plus de la moitié des hauts dirigeants habitaient au Québec. L’entreprise réplique que 44 de ses vice-présidents sont actuellement basés au Québec, mais ne donne pas le chiffre équivalent pour l’Ontario.

Le siège montréalais reste tout de même un employeur important. Des services comme les affaires juridiques, les fusions-acquisitions et la fiscalité sont toujours dirigés depuis Montréal.

Aimia

Aéroplan, ancienne filiale d’Air Canada rebaptisée Aimia en 2011, a graduellement vidé son siège social montréalais de ses hauts dirigeants. Le mouvement a démarré en 2009 lorsque le PDG est parti pour Toronto. Six vice-présidents de l’entreprise travaillent à Montréal, mais ce ne sont pas des membres de la haute direction. Notons qu’avec le rachat d’Aéroplan par Air Canada, l’avenir d’Aimia est incertain.

Molson Coors

Officiellement, Montréal héberge toujours l’un des deux sièges sociaux de Molson Coors, mais dans les faits, le brasseur est dirigé depuis Denver. C’est là que le vrai centre décisionnel s’est installé dès la fusion, en 2005. Depuis plusieurs années, il n’y a plus aucun haut dirigeant à Montréal. Le siège canadien du groupe ne se trouve même pas ici, mais à Toronto.

Alimentation Couche-Tard

Brian Hannasch, qui a succédé à Alain Bouchard comme PDG de Couche-Tard, en 2014, n’a jamais cru bon de déménager au siège social de Laval, préférant demeurer en Indiana. M. Hannasch dit toutefois passer autant de temps au Québec qu’en Indiana, soit 90 jours par année, le reste étant consacré à des voyages. Fidèle à sa gestion décentralisée, Couche-Tard a des hauts dirigeants dans quatre pays. Et ses quatre actionnaires de contrôle sont tous québécois.

Stella-Jones

Moins du quart des hauts dirigeants de ce géant nord-américain de poteaux de téléphone et des traverses de chemin de fer ont leur bureau au siège social de Montréal. « Ça ne serait pas efficace si les vice-présidents régionaux travaillaient à Montréal », indique le PDG Brian McManus. Mais comme il habite ici, tout comme son chef des finances, il n’y a pas de doute selon lui quant à savoir où se trouve le véritable centre décisionnel de l’entreprise. « C’est celui qui a l’argent qui commande », lance-t-il.

Garda World

Depuis près de 10 ans, Stéphan Crétier dirige cette firme de sécurité à partir de Dubaï. « Les décisions sont prises là où il y a de l’action », dit-il, en relevant que les meilleures perspectives de croissance de l’entreprise sont au Moyen-Orient et en Afrique. De plus, les activités américaines sont gérées à partir de la Floride, qui a attiré Garda avec des subventions importantes. Cela dit, même si la plupart d’entre eux n’habitent pas ici, 12 des 14 membres de l’équipe de direction sont des Québécois.

À QUOI SERT UN SIÈGE SOCIAL ?

Les sièges sociaux, c’est beaucoup plus que des enseignes au pied de tours de bureaux. Ce sont des centres décisionnels névralgiques qui jouent un rôle important dans l’économie.

Les quelque 560 sièges sociaux que compte le Québec emploient un peu plus de 53 000 personnes, selon Statistique Canada. Le ministère des Finances estime que les sièges sociaux québécois et leurs salariés généraient en 2014 une activité économique de 6,8 G$ par année, en incluant les retombées indirectes.

Mais au-delà des chiffres, abriter des sièges sociaux bien vivants donne du prestige et du rayonnement à une région.

« Ça envoie le signal que cette région-là est propice aux affaires », affirme Yan Cimon, professeur de management à l’Université Laval.

Contrats lucratifs

De plus, note l’expert, la présence de sièges sociaux peut faciliter la tâche aux fournisseurs locaux à la recherche de contrats.

L’impact est aussi grand au sein des cabinets de comptables et d’avocats. Par exemple, la quasi-totalité des grandes entreprises québécoises cotées en bourse, même celles qui ont peu de dirigeants ici, font vérifier leurs états financiers au Québec. La seule exception est Bausch Health à Laval (anciennement Valeant), qui fait faire ce travail au New Jersey.

Les sièges sociaux peuvent aussi avoir un effet positif sur la vie communautaire.

« Plusieurs recherches universitaires parlent de l’importance des sièges sociaux en matière de philanthropie », indique M. Cimon.

Enfin, les hôtels, les restaurants, les aéroports, les compagnies aériennes et les chauffeurs de taxi profitent grandement de la présence des sièges sociaux.

En règle générale, les entreprises tiennent les réunions de leur conseil d’administration, leurs rencontres stratégiques et leurs assemblées annuelles d’actionnaires dans la ville où se trouve leur siège social, attirant continuellement des visiteurs de l’extérieur.


Source: Journal de Montréal
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Claude Gélinas, Éditeur
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