Bombardier, la dépendance

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Bombardier, la dépendance et l’erreur fallacieuse des coûts irrécupérables

Par: Vincent Geloso

C’est officiel, le gouvernement du Québec contribuera à aider le plan de sauvetage de la compagnie Bombardier. Nombreux sont ceux qui affirment cette aide nécessaire.

Encore plus nombreux sont ceux qui n’aiment pas l’idée d’intervenir, mais qui détestent encore plus l’idée de la fermeture de Bombardier.

Je m’inscris à faux : cette aide n’est pas nécessaire et je n’ai aucun problème avec la fermeture de Bombardier.

Voici pourquoi :

a) Bombardier a été aidé à maintes reprises dans le passé;

b) les investissements réalisés (et perdus) par le gouvernement ne sont pas importants;

c) la faillite de Bombardier ne signifie pas la disparation de tous les emplois.


Un historique de dépendance

Notre mémoire collective ne semble pas fonctionner très bien. Dans les jours qui ont suivi l’annonce, je n’ai vu personne souligner la totalité des multiples aides obtenues par Bombardier. En fait, on se souvient souvent peu des aides financières. Certes, on sait qu’elle a reçu de l’aide, mais voici une liste de la fréquence des aides gouvernementales.

En 2000, le gouvernement fédéral intervient en faveur de Bombardier avec des garanties de prêt totalisant 1,7 milliard de dollars. Pour celui-ci, voici le fait comique : l’Organisation Mondiale du Commerce a dénoncé la décision.

En 1992, le gouvernement ontarien participe à l’offre d’achat de Havilland par Bombardier (contribuant 49% du capital qui pouvait être racheté après quatre ans – permettant ainsi à Bombardier d’avoir un sursis de quatre ans sur des intérêts payés sur 49 millions de dollars).

En 2003, il était estimé que 34% de tous les investissements commerciaux d’Export Development Canada (une agence gouvernementale) allaient à Bombardier.

En 2004, le gouvernement du Québec rapportait avoir investi près de 1,6 milliard de dollars sur huit ans.

En 2007, le gouvernement fédéral allait défendre, devant l’Organisation Mondiale du Commerce, ses subventions à Bombardier. Plus tard en 2007, près de 900 millions de dollars sont offerts à Bombardier sous forme d’aide à la recherche et au développement.

En 2013, le gouvernement du Québec a débloqué près de 1 milliards pour aider Bombardier à gonfler ses ventes.

Et les aides ne prennent pas toujours la forme de transferts de fonds. En 2006, le ministre Raymond Bachand (maintenant lobbyiste pour Bombardier) allouait le contrat des nouveaux wagons du métro de Montréal à Bombardier ... sans appel d’offres.

Il est clair que Bombardier a un historique de dépendance à l’aide étatique.

Les investissements passés

Si vous achetez un billet pour une partie de Hockey, votre dépense pourrait être irrécupérable. C’est-à-dire que vous ne pourrez récupérer votre « investissement » si quelque chose ne va pas bien.

Maintenant, imaginez que la soirée de la partie il y a une tempête de neige terrible qui rend la conduit incroyablement dangereuse. Allez-vous rendre au stade pour voir la partie sachant que vous avez une chance sur dix de subir un accident de la route? Et si c’était une chance sur deux? Votre vie ou votre billet?

Dans un tel scénario extrême, vous réalisez que la dépense passée ne devrait pas déterminer votre décision au moment présent.

En économie, on dit la même chose. Si un manufacturier de bonbons a acheté un bâtiment pour 100,000$ (et qu’il n’a pas d’hypothèque), on dit que ce montant est une dépense irrécupérable. Elle n’affecte pas sa décision de produire un bonbon de plus ou de moins.

Tout ce qui affecte sa décision, c’est le coût de produire un bonbon de plus.

La décision d’investir du temps, des ressources et des fonds dans une activité alors qu’il existe des meilleures alternatives en raison qu’on a « déjà investi dans le passé » est donc une manière irrationnelle de penser. Ce biais de raisonnement, souligné par le Nobel en économie de 2002 Daniel Kahneman, est trop fréquent et très coûteux. C’est celui qui afflige tant d’individus dans le débat sur Bombardier.

Ce qu’il faut considérer, c’est le coût de l’investissement actuel relativement aux bénéfices promis. Si l’investissement présent réalise les mêmes rendements que l’investissement passé, il faudra revoir.

Mais la profitabilité de l’investissement présent ne dépend pas de l’investissement passé.

Le véritable coût?

Si on doit considérer le rendement du choix gouvernemental d’investir dans Bombardier, il faut considérer les coûts. L’argument avancé par plusieurs est que des milliers d’emploi seront sauvés. Cet argument est basé sur une très mauvaise compréhension des lois de la faillite.

Imaginons que la division qui produit les CSeries sombre et traîne avec elle les divisions plus profitables.

Est-ce que tous les employés perdent leurs emplois? Non!

Premièrement, Bombardier va se mettre sous la protection de la loi de la faillite. Pendant ce temps, il est tout à fait possible (en fait, c’est 100% sûr) que des compagnies rivales vont effectuer des offres d’achat pour les actifs de la compagnie. Ces actifs incluent les divisions profitables, ce qui implique que plusieurs emplois resteront occupés.

Deuxièmement, il pourrait y avoir une entente avec les créanciers qui établirait un plan de restructuration des paiements d’intérêts ou un « haircut » (accepter une perte minime sur chaque dollar investi afin d’éviter de perdre la totalité).

Dans un tel cas, plusieurs emplois seront sauvés.

Dans les deux cas, les seuls emplois affectés seront ceux de la division problématique : ceux dans la CSeries. On parle ici d’environ 2,000 travailleurs (usine de Mirabel).

Le coût, pour le gouvernement du Québec, selon La Presse se situera à 32,5 millions par année (en dépense d’intérêts). On parle donc de 16,250$ par travailleur.

Ce montant est très conservateur puisque si la division produisant les CSeries est liquidée (vendu), ce n’est qu’une fraction des employés qui vont perdre leurs emplois après que la compagnie acquisitive effectue sa restructuration.

Est-ce que ce montant en vaut la peine? Les résultats dans le passé nous permettent d'être sceptiques. En plus, le montant de 16,250$ par travailleur n'inclut pas les coûts pour le reste de la société!

Premièrement, l’employé moyen chez Bombardier CSeries n’est pas un travailleur non-qualifié, il a une formation qui lui permettrait aisément de se trouver un nouvel emploi.

Deuxièmement, le montant de 1,3 milliards en prêts représente des capitaux qui ne sont plus disponibles pour d’autres entrepreneurs qui voulaient investir. Ces derniers se retrouvent donc à avoir moins de capitaux à emprunter.

Troisièmement, le 32,5 millions par année (les intérêts sur la dette prise par Québec pour aider Bombardier) représente une hausse d’impôt du même montant (le gouvernement devra soit couper les dépenses ailleurs, soit augmenter les taxes).

Quatrièmement, et l’argument que j’aurai dû faire depuis le début au lieu d’essayer d’être pédagogue, le marché vient de dire qu’il croit que Bombardier est un mauvais choix! Aucune banque ne voulait faire ce prêt à Bombardier!

Personne ne pense que c’est rentable avec leur argent. Pourquoi est-ce que ça serait plus rentable avec l’argent des contribuables? Il serait plus sain de laisser la compagnie vendre la division CSeries, assumer la perte, ne pas dépenser l'argent des contribuables et se réarranger.

Conclusion

Je comprends que Bombardier est une « fleur » de l’économie québécoise. Mais, c’est plutôt le type de fleur qu’on met entre les pages d’un livre ... une fleur morte.


Source: Journal de Québec
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Claude Gélinas, Éditeur
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