Le Québec se suicide à petit feu…

Répondre
Avatar du membre
cgelinas
Administrateur
Messages : 7781
Enregistré le : 25 mai 2010, 22:07
Localisation : Lévis, QC
Contact :

Le Québec se suicide à petit feu…

Je ne sais pas. Je ne sais pas si je veux chercher à comprendre profondément la légitimité actuelle des étudiants, enfin ceux qui sont prêts à sacrifier leurs études au prix de l’idéalisme. Même si c’est dans ma nature de pencher plus du côté de ceux qui sont capables d’abnégation que du côté de ceux qui sont seulement capables de voir le monde à travers la lorgnette de leur petit nombril. Mais ce que je sais, c’est que le Québec se suicide à petit feu.

Si on regarde le Québec comme un corps, un être mental, au lieu de le regarder seulement comme une famille qui doit absolument gérer un budget, le Québec est en mode autodestruction. Encore bien plus que la violence qui frappe certains de nos jeunes, c’est son cautionnement par une certaine partie de l’élite et de la population qui est signe que le Québec se plaît à se faire mal. En frappant et en applaudissant ces coups portés contre ceux qui portent quelque chose comme un rêve de justice, c’est une partie de l’âme de ce corps que l’on sclérose.

Il faut bien se comprendre, c’est la violence directe et la peur qu’elle suscite qui est au centre de mon malaise. Parce que le Québec que je vois en ce moment s’automutile et se drogue à la conformité. Ce Québec-là carbure à la vengeance et à la haine de cette partie de lui-même qui a encore de la place pour appréhender un autre Québec que celui qu’on nous vend.

Un Québec qui serait autre chose qu’une province menée par des comptables qui ne sont pas capables de voir le vrai peuple et son environnement tellement l’accumulation de chiffres est opaque devant leurs yeux. Un Québec qui serait autre chose que le rêve de quelques privilégiés et de ceux qui rêvent de les côtoyer dans leurs tours d’argent, pour jouer à lancer des cennes en bas sur le petit monde pour voir si c’est vrai que la hauteur et la distance peuvent rendre ces cennes aussi létales que des balles de fusil.

Parce que cette violence, elle n’est pas fortuite. Elle n’est pas une erreur de parcours. Elle est tout à fait assumée, même dans son amplification. On la défend par tous les moyens, comme on défend la fessée pour les enfants turbulents, au nom du gros bon sens. Elle est la raison du plus fort pour avoir raison du plus faible. Elle a un statut spécial qu’elle ne partage pas avec toutes les autres violences qui ne sont pas acceptables en d’autres moments et en d’autres lieux.

Et ici, je ne vise pas particulièrement les policiers, comme je ne pourrais accuser un robot d’avoir commis une faute sans accuser aussi et même seulement la personne qui le téléguidait. S’il était simplement question de quelques brebis galeuses dans le corps policier, ça serait mieux, on pourrait se contenter de les goudronner et de les emplumer virtuellement, ou de leur faire ériger des statues tout aussi virtuelles, c’est selon.

Mais non, la réalité policière n’est pas remplie d’initiatives qui permettent d’avoir la main légère. Je ne crois pas qu’un policier se permettrait d’user d’une force et de moyens excessifs contre une menace aussi peu menaçante sans qu’on lui ait donné le feu vert. Je ne crois pas qu’un policier se permettrait de faire un spectacle de poivre de cayenne à deux mains s’il n’y avait pas eu précédemment un metteur en scène pour l’aider dans son rôle.

Parlant de mise en scène, il ne faut pas oublier toutes les tentatives d’infiltration par des policiers, réussies ou non, pour faire de la casse sur le dos des manifestants, pour émoustiller l’opinion publique qui semble avoir plus tendance à s’émouvoir devant de la vitre cassée qu’un oeil crevé.

Avec l’aide de cette stratégie bien huilée, le Québec se suicide à petit feu en rendant l’autocritique punissable à ce point, sur-le-champ. Et c’est bien d’autocritique dont il est question ici, quand bien même on trouverait qu’elle est brouillonne. En refusant de rester prostrés dans leur rôle d’utilisateur-payeur, ces étudiants remettent en cause, au moins. C’est par eux que passe actuellement l’autocritique, ce qui devrait être sain en démocratie. En leur faisant miroiter que ce n’est que la violence qu’ils méritent, c’est l’essence même de la démocratie qui est bafouée.

Ils se transformeront peut-être plus tard en des chiens enchaînés et aboyeurs qui se contenteront de protéger leurs niches, comme il y en a déjà beaucoup trop, mais envions-leur au moins aujourd’hui le fait d’être capables de se mouvoir sans chaînes, même si certains ne savent pas trop pourquoi. Personnellement, je me sentirais bien mal de leur faire la leçon parce que je suis capable d’aligner deux mots et que j’ai le privilège d’avoir une certaine visibilité en les publiant ici.
Fichiers joints
uqam-greve-etudiante-mars-2015.jpg
uqam-greve-etudiante-mars-2015.jpg (48.18 Kio) Vu 5561 fois
point-de-vue-de-renart-l-eveille.jpg
point-de-vue-de-renart-l-eveille.jpg (12.19 Kio) Vu 5561 fois
Claude Gélinas, Éditeur
chaudiere.ca

Blogues: Montréal | Québec | Lévis | Emploi | Éducation | Placements | Transports
Dons: PayPal | DonorBox Web: Achetez vos noms de domaines au plus bas prix...
Répondre