Des parents ruinés par la DPJ

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Article écrit par:
GENEVIÈVE PETTERSEN
Vendredi, 14 juillet 2017 20:43


Voir ses enfants être placés par la Direction de la protection de la jeunesse doit être une expérience crève-cœur pour n’importe lequel parent. Imaginez alors devoir plus de 100 000 dollars à l’organisme provincial. C’est le cas de Karyne Darcy, qui cumule depuis 2008 les factures émanant du Ministère de la Santé et des Services sociaux.

Tout aurait commencé par un banal dégât d’eau. Karyne et ses quatre enfants trouvent alors refuge dans une chambre de motel aux alentours de Montréal. «La DPJ est venue chercher mes quatre enfants à cause de l’instabilité du logement», raconte Karyne, 39 ans.

À partir de là, tout bascule. Karyne a des démêlés avec les intervenants. Ils soupçonnent la mère de famille d’avoir un trouble de la personnalité limite et d’être incapable de subvenir aux besoins de sa progéniture. On refuse de lui redonner la garde.

Depuis 2008 donc, Karyne est obligée de payer des contributions parentales s’élevant à près de 2000 dollars par mois. Noémie Vanheuverzwijn, porte-parole au ministère de la Santé et des services sociaux, m’explique que les parents dont les enfants sont placés en famille d’accueil ou en centre d’hébergement doivent obligatoirement contribuer financièrement à leur placement. «Cela sert à maintenir la responsabilité parentale dans le but, si cela s’avère opportun, de permettre un retour de l’enfant dans sa famille.»

Des factures salées

Le montant que doivent payer les parents est calculé en fonction du revenu familial et de l’âge de l’enfant et oscille entre 22,24$ et 645,80$ par mois. «En vérité, 70% des parents ont un faible revenu – moins de 35 000$ de revenu familial déclaré par année – et paient seulement 22,24$ mensuellement», précise Noémie Vanheuverzwijn. «Tous les parents continuent de recevoir les prestations de soutien aux enfants du gouvernement du Québec.»

Théoriquement, ceux-ci pourraient s’en servir pour payer leur dû.

Mais pour le 30% des parents qui ont un revenu imposable, les factures s’accumulent. Au départ, Karyne Darcy payait la contribution minimale puisqu’elle bénéficiait de l’aide sociale ou de la CSST. L’arrivée d’un nouveau conjoint, avec qui elle aura deux autres enfants (dont elle n’a jamais perdu la garde) change la donne. Même si ce nouvel amoureux n’est pas le père des enfants placés, son salaire est pris en compte dans le calcul du revenu familial. «On payait plus de 4000 $ par mois. À un moment donné, on lui a trouvé une autre adresse où il habitait supposément pour faire baisser les montants à payer.»

Et comme la DPJ peut faire saisir les biens ou le salaire des parents mauvais payeurs, Karine ne possède rien à son nom, en plus d’avoir renoncé à travailler malgré sa formation en soins infirmiers et en intervention en toxicomanie. «Je ne vais pas aller travailler à 25-30$ de l’heure quand je sais qu’ils vont tout me prendre au final.»
Mais Karyne ne croise pas les bras. Dans le but d’aider des familles aux prises avec les mêmes problèmes avec la DPJ, elle a créé avec sa sœur et son conjoint un organisme non lucratif, l’ACAFQ (Aide, Conseil et Assistance aux Famille Québécoises). Ils traitent actuellement une cinquantaine de dossiers.

Incapable de payer

Le cas de Karyne Darcy n’est pas une anomalie dans le système. Une autre mère de famille, qui désire être appelée Caroline dans le but de protéger sa fille, doit elle aussi des sommes faramineuses au Ministère de la santé et des services sociaux, depuis la perte de la garde de sa fille, en 2008.

À l’époque, Caroline vivait seule avec sa fille de cinq ans. Le père de la fillette, un pédophile, s’était vu interdit de contact avec la mère. Un après-midi, il entre chez elle, faisant fi des restrictions imposées par la Cour. «Il m’a dit que si je ne prenais pas tous les médicaments que je gardais chez nous, il s’en prendrait à notre fille.» Terrorisée, elle avale toutes les pilules que contient la pharmacie. «Je l’ai écoutée pour sauver ma fille. Quand il est parti, j’ai appelé le 911 et ils m’ont amenée à l’hôpital.» C’est là que la DPJ lui aurait enlevé la garde de son enfant, sous prétexte que Caroline est suicidaire.

Les procédures pour récupérer la fillette durent trois ans. Pendant cette période, Caroline doit se présenter 14 fois en cours. Elle n’a pas récupéré la garde de sa fille, qui vit depuis ce temps dans une famille d’accueil. «Je reçois à chaque mois une facture d’environ 500 $ que je dois en théorie payer pour subvenir à ces besoins. C’est le montant d’un loyer et je ne peux pas payer ça. Mais ils peuvent le saisir sur mon salaire, donc en ce moment je ne travaille pas.» La facture de Caroline s’élève à ce jour à plus de 14 000$.

Pas d’exception à la règle

Il est clair que les parents qui perdent la garde de leurs enfants n’attirent pas spontanément la sympathie. D’autant plus que les témoignages recueillis dans ce reportage ne traduisent qu’un côté de la médaille. D’ailleurs, par soucis de confidentialité, la DPF ne pouvait pas commenter les cas présents.Par contre, je ne peux m’empêcher de penser que les sommes exorbitantes réclamées par la DPJ à Karyne et Caroline contribueront uniquement à les appauvrir davantage sur le plan social et économique.

En voulant responsabiliser ces parents, on les contraint plutôt à se retirer du marché du travail ou même se tourner vers la fraude pour essayer de sortir la tête de l’eau. J’ai questionné Noémie Vanheuverzwijn quant au paradoxe que représente ces sommes demandées aux familles en échange de la prise en charge de leurs enfants. «C’est la loi», a tranché porte-parole. «Et c’est aussi par soucis d’équité envers les autres familles, celles qui ont la garde de leurs enfants et doivent débourser, qu’on exige une contribution parentale.»

Ok. C’est logique après tout. Ça coûte cher élever un enfant, alors c’est normal de faire un peu sa part si le sien est confié aux bons soins de l’état. Mais quand on parle de montants pouvant aller jusqu’à 645 $ par mois par enfant, n’est-ce pas un peu contreproductif? J’ai du mal à chasser cette image d’un organisme froid et calculateur qui frappe sur des gens déjà par terre.

Pour Karyne et Caroline en tout cas, ces dettes colossales constituent un obstacle de taille à la réalisation de leur objectif ultime : renouer avec leurs enfants.
Fichiers joints
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Claude Gélinas, Éditeur
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